Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/362

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était située est sauvage, roide, escarpée, et consiste absolument en trois montagnes, ou pour mieux dire en une seule et haute montagne, divisée en trois sommets par des précipices, des abîmes et des vallées qui s’étendent depuis le faîte jusqu’à la mer, tandis que les trois crêtes s’élevant à une prodigieuse hauteur, et hérissées de rocs qui semblent inaccessibles, interceptent les nuages que le vent chasse de l’Atlantique ; ces rochers ont des cavernes invisibles à l’œil des hommes, qui présentent aux éperviers, aux aigles et autres oiseaux de proie une retraite sombre et sûre.

Le sol de l’île est humide, moussu, froid, stérile. L’aspect en est partout triste et lugubre, à l’exception des bords des petits ruisseaux ou des ravines creusées dans le flanc des montagnes, qui est bordé de bouleaux et de noisetiers nains, et de groseilliers sauvages dont quelques uns sont assez grands pour porter le nom d’arbres dans ce pays inculte.

Mais le rivage de la mer, qui était la promenade favorite de Mordaunt depuis que sa convalescence lui permettait de prendre de l’exercice, avait des charmes qui compensaient l’aspect sauvage de l’intérieur. Un large et beau détroit sépare cette île déserte et montagneuse de l’île de Pomona, et au milieu de ce détroit est située, comme une table d’émeraude, la jolie petite île de Græmsay. Sur le Mainland, dans le lointain, on aperçoit la ville ou le village de Stromness, dont le havre prouve son excellence par le nombre considérable des bâtiments qui y sont en rade ; et la baie, se rétrécissant ensuite à mesure qu’elle s’avance dans l’intérieur de Pomona, forme avec la marée montante la belle nappe d’eau qu’on nomme lac de Stemnis.

C’était là que Mordaunt avait pris l’habitude de se promener des heures entières, et ses yeux n’étaient pas insensibles à cette vue, quoique ses pensées fussent toujours agitées par les méditations les plus embarrassantes sur sa situation. Il avait résolu de quitter l’île dès que le rétablissement de sa santé lui permettrait ce voyage ; mais sa reconnaissance pour Norna, dont il était au moins le fils adoptif, lui disait qu’il ne devait pas partir sans avoir obtenu son consentement, quand même il trouverait moyen de sortir de l’île, chose fort peu probable. À force d’importunités il obtint de sa bienfaitrice la promesse que, s’il consentait à régler sa conduite d’après ses conseils, elle le conduirait elle-même à la capitale des Orcades, quand la foire prochaine de Saint-Olla serait ouverte.