Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/369

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vous trahir, puisque je demeurerai avec vous jusqu’au dernier instant. — Oui, et après le dernier instant aussi, par la voûte bleue ! ou je me trompe fort, » marmotta Bunce entre ses dents.

On mit alors la proposition aux voix ; et l’équipage était si bien convaincu des talents supérieurs de Cleveland, que la déposition momentanée de Goffe ne rencontra que peu d’opposition, même parmi ses propres partisans, qui objectèrent avec assez de raison, qu’il aurait au moins dû ne pas s’enivrer, pour veiller à ses propres affaires… Il raccommoderait les choses le lendemain matin, s’il voulait.

Mais, lorsque le lendemain matin arriva, ceux de l’équipage qui s’étaient grisés, en apprenant l’issue des délibérations du conseil, auxquelles ils étaient censés avoir réellement pris part, élevèrent si haut les qualités de Cleveland, que Goffe, tout irrité et mécontent qu’il était, jugea qu’il serait sage de déguiser son ressentiment, et d’attendre une occasion favorable pour lui donner un libre cours ; il se soumit donc à la dégradation qui avait si souvent lieu sur un navire de pirates.

Cleveland, de son côté, résolut de travailler avec zèle et sans perdre de temps à tirer le vaisseau d’une position si périlleuse. Dans ce dessein, il fit préparer la chaloupe pour aller à terre en personne, emmenant avec lui douze hommes des plus vigoureux et des plus braves, tous richement équipés, car les profits de leur criminelle profession avaient mis les pirates à même de porter des habits presque aussi riches que ceux des officiers, et surtout suffisamment armés de sabres et de pistolets, quelques uns même portant des haches et des poignards.

Cleveland portait un costume magnifique ; c’était un justaucorps bleu, doublé de soie cramoisie et richement brodé en or, un gilet et des culottes de damas cramoisi, un bonnet de velours merveilleusement galonné et surmonté d’une plume blanche, des bas de soie blancs, et des souliers à talons rouges, ce qui était le nec plus ultra de l’élégance parmi les fashionables du jour. Il avait une chaîne d’or faisant plusieurs tours autour de son cou, à laquelle était suspendu un sifflet de même métal, insigne de son autorité. Il portait en outre un ornement particulier à ces hardis brigands qui, peu satisfaits d’avoir une ou deux paires de pistolets à la ceinture, en portaient deux autres paires richement ornées à une espèce d’écharpe de ruban qui passait par dessus leur épaule. La poignée et le fourreau de l’épée du capitaine étaient dignes de la richesse