Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/452

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Deux années environ avant la mort de Norna, Brenda devint réponse de Mordaunt Mertoun. Il s’écoula quelque temps avant que le vieux Magnus Troil, malgré toute son affection pour sa fille et toute sa partialité pour Mordaunt, pût franchement se réconcilier avec l’idée de ce mariage. Mais les qualités du jeune homme étaient particulièrement du goût de l’udaller, et le vieillard sentit si bien l’impossibilité où il se trouvait de mieux remplir la place vide dans sa famille, que le sang norse céda aux sentiments naturels du cœur. Il consola son orgueil en voyant ce qui se passait autour de lui, en considérant ce qu’il nommait les usurpations de la petite noblesse écossaise sur le pays (car c’est ainsi que les Shetlandais se plaisent à appeler leur patrie), et finalement il crut que « sa fille avait aussi bien fait d’épouser le fils d’un pirate anglais que celui d’un brigand écossais ; » allusion insultante aux familles des Highlands auxquelles les îles Shetland doivent tant de propriétaires respectables ; mais les ancêtres de ces dignes personnages étaient généralement moins renommés par leur vieille origine et leur brillant courage, que par leurs égards scrupuleux pour les vaines distinctions du meum et du tuum. Le jovial vieillard vécut jusqu’à l’extrémité de la carrière donnée à l’homme, avec l’heureux espoir d’une postérité nombreuse dans la famille de sa plus jeune fille. Sa table était alternativement égayée par les chansons de Claude Halcro, et éclairée par la science de M. Triptolème Yellowley. Ce dernier mit de côté ses hautes prétentions lorsqu’il connut mieux les usages des insulaires, et se rappela les nombreuses mésaventures qui avaient accompagné ses premiers essais de réforme. Il était devenu un honnête et utile représentant de son noble patron, et il n’était jamais plus heureux que quand il pouvait échapper au chétif ordinaire de sa sœur pour participer à la bonne chère de l’udaller. Le naturel de miss Barbara s’était cependant de beaucoup adouci après qu’elle eut inopinément recouvré la corne remplie de pièces d’argent, trésor que Norna avait jadis caché dans la vieille maison de Sturmburgh pour servir à la réussite de quelque dessein mystérieux, et qu’elle rendit par la suite à ceux qui l’avaient accidentellement trouvé, en leur déclarant qu’il disparaîtrait encore, à moins qu’ils n’en fissent un usage raisonnable pour les besoins du ménage. On peut croire que ce fut à cette recommandation que Tronda Dronsdaughter, probablement affidée de Norna, dut le bonheur de ne pas succomber lentement d’inanition.

Mordaunt et Brenda furent aussi heureux qu’il est permis de