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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/69

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sinon à la crainte de voir l’antique demeure crouler sur leurs têtes. Miss Baby exhalait ses craintes en longues exclamations. « Le Seigneur nous protège !… C’est à coup sûr notre heure dernière… Quel diable de pays, avec ses mendiants et ses vagabonds ! Et vous, vieux fou, » ajoutait-elle en se tournant vers son frère, car jamais ses discours en pareil cas n’étaient exempts d’aigreur, « à quoi bon quitter l’excellente terre des Mearns pour venir ici, où toutes les maisons sont pleines de pauvres effrontés et d’aventurières, où dehors le ciel est toujours en furie ? — Je vous dis, soeur Baby, » répliqua l’agriculteur outragé, « que tout se perfectionnera, tout s’amendera, excepté, » ajouta t-il entre ses dents, « l’humeur intraitable d’une vieille fille qui peut ajouter à la fureur de l’ouragan. »

Cependant la vieille domestique et le colporteur s’épuisaient en supplications aux genoux de Norna ; et comme ils ne parlaient que la langue norse, le maître de la maison n’y comprenait rien.

Elle les écouta d’un air hautain et calme, puis elle répliqua enfin à haute voix et en anglais : « Non ! Et si cette maison n’est plus demain qu’un monceau de ruines, qu’importe ? En quoi le monde a-t-il besoin de l’homme aux sots projets et de la femelle sordide qui l’habitent ? Ils ont voulu venir réformer les usages de nos îles, qu’ils voient si les tempêtes des Shetland sont de leur goût… Vous qui ne voulez point périr, sortez de cette maison ! »

Le jagger saisit son léger ballot et se hâta de l’attacher sur son dos ; la vieille servante jeta son manteau sur ses épaules, et tous deux semblèrent prêts à sortir.

Triptolème Yellowley, quelque peu alarmé par ces préparatifs, demanda à Mordaunt, d’une voix que la crainte faisait trembler, « s’il croyait qu’il y eût réellement un danger véritable. — Je ne sais, répondit le jeune homme ; j’ai rarement vu une pareille tempête. Norna peut mieux nous dire que personne quand elle s’apaisera ; car personne dans ces îles ne se connaît mieux au temps. — Est-ce, à ton avis, tout ce que Norna peut faire ? demanda la sibylle ; tu apprendras que sa puissance n’est pas bornée à un si petit espace. Écoute-moi, Mordaunt, enfant d’une terre étrangère, mais dont le cœur est bon… vas-tu quitter cette maison condamnée avec ceux qui se préparent à en sortir ? — Non, je n’en sortirai point, Norna : j’ignore pourquoi vous désirez que je m’éloigne, mais je ne quitterai pas, malgré vos sinistres menaces, la maison où j’ai été cordialement accueilli durant une tempête comme celle-ci. Si les