Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/8

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Notre temps nous appartenait entièrement ; et comme la plupart d’entre nous étaient des marins d’eau douce, nous pouvions à chaque instant faire un bon vent d’un mauvais, et suivre la brise en quête de quelque objet qui se trouvait dans la direction contraire à la marche officielle du navire.

Avec ces vues d’utilité publique et d’amusement particulier, nous sortîmes du port de Leith le 26 juillet 1814. Nous longeâmes la côte orientale de l’Écosse, explorant ses différentes curiosités, et nous fîmes une halte près du Shetland et des Orcades. Là les merveilles d’un pays fécond en choses nouvelles pour nous, nous retinrent quelque temps. Après avoir étudié en détail l’Ultima Thulé des anciens, où, dans cette saison, le coucher et le lever du soleil sont si près l’un de l’autre, que cet astre n’a pas le temps de se mettre au lit, nous doublâmes la pointe nord de l’Écosse, en faisant une courte visite aux Hébrides, où nous trouvâmes quelques bons amis. Là, pour que notre petite expédition pût acquérir la dignité que donne le danger, nous eûmes l’avantage d’apercevoir à une distance éloignée quelque chose qu’on déclara être un croiseur américain ; nous pûmes alors penser à la singulière figure que nous ferions si notre voyage se terminait par une captivité aux États-Unis.

Nous visitâmes les rives romantiques de Morven et les alentours d’Oban ; ensuite ayant poussé jusque sur les côtes de l’Irlande, nous visitâmes la chaussée des Géants, merveille comparable à la Caverne de Staffa, que nous avions déjà vue pendant notre campagne. Enfin, vers le milieu de septembre, nous terminâmes l’expédition en rentrant dans la Clyde, et jetant l’ancre dans le port de Grecnock.

Ainsi finit cette agréable tournée. Les dispositions faites à bord du navire nous avaient donné des facilités extraordinaires ; l’équipage pouvait fournir assez de monde pour conduire une forte barque, indépendamment des hommes nécessaires au service du vaisseau, de sorte qu’il nous fut permis de prendre terre à chaque endroit où la curiosité nous attirait. Qu’on me permette de m’arrêter un peu sur une des plus heureuses époques de ma vie. Parmi les six ou sept amis qui faisaient ce voyage, quelques uns différaient de goûts et d’opinions, et ils passèrent ensemble plusieurs semaines entassés sur cette étroite embarcation, sans qu’il s’élevât entre eux la plus légère discussion ; au contraire, chacun semblait empressé de soumettre ses vues particulières aux vues de ses amis.