Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/139

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Heriot un signe de tête accompagné d’un geste imposant de la main, qui indiquait à la fois la supériorité et la protection, il mit de côté tout net le digne bourgeois, auquel il devait tant de dîners, pour s’attacher exclusivement au jeune lord, quoiqu’il le soupçonnât de se trouver dans une position aussi fâcheuse que la sienne propre. Cependant l’attention de cet original, toute singulière et quelque peu flatteuse qu’elle était, ne fut pas entièrement indifférente au lord Glenvarloch, en ce qu’elle servit à le distraire des réflexions pénibles et inquiétantes auxquelles le laissait livré le silence complet et un peu forcé de son bon ami Heriot. D’ailleurs il ne pouvait s’empêcher de prendre intérêt aux remarques caustiques et piquantes d’un courtisan mécontent, mais observateur : si d’une part un auditeur patient, revêtu de ce rang et de ce titre élevé, était une rare bonne fortune pour le satirique chevalier, de l’autre Nigel ne pouvait point repousser un compagnon que sa pénétration et ses dispositions communicatives rendaient au moins fort amusant. Pendant ce temps Heriot, dédaigné par sir Mungo, et se refusant à tous les efforts que la politesse et la reconnaissance inspiraient à lord Glenvarloch pour l’engager à prendre part à la conversation, se tenait debout à côté d’eux, sa physionomie exprimant un demi-sourire : mais ce sourire lui était-il arraché par les saillies de sir Mungo ou par les ridicules de ce même personnage ? c’est ce qu’il eût été difficile de décider.

Le trio occupait un coin du salon près de la porte de la salle d’audience, qui n’était pas encore ouverte, lorsque Maxwell, avec sa baguette, insigne de ses fonctions, vint traverser l’appartement d’un air affairé : tous ceux qui le remplissaient, à l’exception des hommes de haut rang, s’empressèrent de lui faire place. Il s’arrêta auprès du groupe dont nous venons de parler, regarda un moment le jeune lord écossais, fit une légère inclination de tête à Heriot, et, s’adressant enfin à sir Mungo Malagrowther, se plaignit brusquement à lui de l’indiscrétion des gentilshommes pensionnés et des gardes qui laissaient toute espèce de bourgeois, solliciteurs et écrivains, se glisser dans les appartements extérieurs sans respect ni décence. « Les Anglais, ajouta-t-il, en étaient scandalisés. On ne se serait permis rien de semblable sous le règne de la reine ; de son temps les cours étaient pour le peuple et les appartements pour la noblesse ; et il faut s’en prendre à vous autres attachés à la maison du roi, sir Mungo, si tout n’y est pas mieux ordonné. »