Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son côté, m’a répondu par des injures, en m’appelant insolent et rustaud d’Écossais ; de sorte que nous nous sommes séparés de cette manière pour ne nous revoir jamais, comme je l’espère et m’en flatte. C’est ainsi, milord, que je me suis placé entre Votre Seigneurie et cette tentation, qui aurait pu être plus forte que celle des maisons de jeu et des théâtres mêmes ; car vous savez bien ce que Salomon, roi des Juifs, dit de la femme étrangère… Vraiment, me suis-je dit à moi-même, nous nous sommes déjà adonnés au dés, et si nous donnons ensuite dans les femmes, le Seigneur sait où nous nous arrêterons. — Votre impertinence mériterait une correction ; mais c’est la dernière que de longtemps j’aurai à vous pardonner… je vous la pardonne, dit lord Nigel… et puisque nous allons nous séparer, Richie, je ne vous dirai rien sur les précautions que vous avez jugé à propos de prendre à cet égard, si ce n’est qu’il me semble que vous auriez dû me laisser le soin de me conduire comme j’aurais jugé à propos. — Non pas, milord, répliqua Richie ; il en est beaucoup mieux autrement : nous sommes tous des créatures fragiles, et nous jugeons plus sainement dans les affaires des autres que dans les nôtres… Quant à moi, il en a toujours été ainsi, excepté dans le cas de la supplique ; ce qui aurait pu arriver à tout autre ; mais, en général, j’ai remarqué que j’étais beaucoup plus prudent dans tout ce que je faisais pour Votre Seigneurie que lorsqu’il s’agissait de mes propres intérêts ; et ceux-ci, je les ai toujours fait passer après ceux de Votre Seigneurie, comme c’était mon devoir. — Je te crois sur ce point, dit lord Nigel, t’ayant toujours trouvé honnête et fidèle. Eh bien ! puisque Londres vous plaît si peu, je ne vous retiendrai pas davantage, Richie ; vous pouvez partir pour Édimbourg jusqu’à ce que j’y retourne moi-même… J’espère qu’alors vous rentrerez à mon service. — Que le ciel vous bénisse, milord ! » dit Richie Moniplies en élevant les yeux vers le ciel ; « car ce mot sonne plus agréablement à mes oreilles qu’aucun de ceux que je vous ai entendu prononcer depuis quinze jours… Je vous fais mes adieux, milord. »

En parlant ainsi il avança son énorme main osseuse, s’empara de celle de lord Glenvarloch, la porta à ses lèvres, puis se retournant brusquement il se hâta de quitter la chambre, comme s’il eût eu peur de montrer plus d’émotion qu’il ne convenait d’après ses