Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/260

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avez raison, madame ; mais elles n’ont ni vie, ni parfum. — Marguerite veut-elle comparer une vie agitée par l’espoir et la crainte, mêlée de succès et de revers, une vie livrée à la fièvre des passions, aux sensations tumultueuses de l’amour et de la haine, attristée, abrégée par l’effet de ces fatigantes émotions, à une existence animée par le seul sentiment des devoirs, et dont l’occupation unique est de se livrer sans relâche à leur accomplissement ? Est-ce là le sens de vos paroles, Marguerite ? — Je ne sais pas, madame ; mais il me semble que j’aimerais mieux être l’alouette dont les chants nous annoncent la brise d’été, que le coq perché sur le clocher pour dire d’où vient le vent, et qui ne bouge qu’autant qu’il faut pour s’acquitter de son devoir. — Des métaphores ne sont pas des arguments, ma belle petite, » dit lady Hermione en souriant.

« J’en suis fâchée, madame, répondit Marguerite, car c’est une manière très-commode de dire indirectement sa pensée quand elle diffère de celle des personnes à qui on doit du respect… D’ailleurs cette forme offre des ressources inépuisables, et c’est une façon de s’exprimer si polie, et si convenable… — Vraiment ! dit la dame ; voyons-en donc quelques échantillons, je vous prie. — Par exemple, madame, il serait très-hardi à moi d’oser dire à Votre Seigneurie que je préférerais à une vie si tranquille un peu d’espérance et de crainte, de peine et de plaisir, et… et… aussi un peu des autres sentiments dont il a plu à Votre Seigneurie de parler… Mais je puis dire librement et sans encourir de blâme, que je préfère un papillon à un escargot, le peuplier à la feuille tremblante au sombre sapin d’Écosse dont le feuillage ne s’agite jamais, et que de toutes les machines de bois, de cuivre et de fil de fer mises en mouvement par les doigts de mon père, celle que je hais et déteste le plus est une grande et vieille horloge allemande qui sonne les heures, les demies, les quarts et les demi-quarts, comme s’il importait beaucoup au monde de savoir qu’elle est montée et qu’elle va. Maintenant, très-chère dame, veuillez comparer cette lourde et ennuyeuse machine avec la pendule que maître Heriot a fait faire à mon père pour Votre Seigneurie, qui joue une foule de jolis airs, et dont il sort à chaque sonnerie une troupe de petits danseurs moresques qui viennent sauter en mesure au son de cette joyeuse musique. — Et laquelle de ces pendules va le mieux, Marguerite ? — Je suis forcée d’avouer que c’est la vieille horloge allemande ; et je vois que