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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/31

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Le Capitaine. Vous consentiriez donc à acheter votre présente popularité aux dépens de votre gloire future ?

L’Auteur. Meliora spero[1]. Horace lui-même ne se flattait pas que tous ses ouvrages dussent passer à la postérité. Je puis espérer revivre dans quelqu’un des miens ; non omnis moriar[2]. C’est une consolation de penser que, dans tous les pays, les meilleurs auteurs ont été les plus volumineux, et il est souvent arrivé que ceux qui ont été le mieux reçus de leur temps ont aussi continué d’être bien vus de la postérité. Je ne pense pas assez mal de la génération présente pour supposer que sa faveur actuelle doive faire soupçonner la condamnation de celle qui la suivra.

Le Capitaine. Si tout le monde agissait d’après ces principes, le public serait inondé.

L’Auteur. Encore une fois, mon cher fils, gardez-vous de l’hypocrisie ; vous parlez comme si le public était obligé de lire des livres parce qu’ils sont imprimés. Vos amis les libraires vous auraient beaucoup d’obligations si vous réussissiez à faire prévaloir cette opinion. Le plus grand malheur qui puisse résulter des inondations dont vous parlez, c’est qu’elles font renchérir les chiffons. La multiplicité des publications ne fait aucun mal à notre siècle, et peut être fort utile à celui qui lui succédera.

Le Capitaine. Je ne vois pas trop comment.

L’Auteur. Du temps d’Élisabeth et de Marie, on se plaignait aussi hautement qu’on le fait aujourd’hui de la fécondité alarmante de la presse, cependant, regardez le rivage qui a été couvert de l’inondation de ce siècle, il ressemble maintenant à celui de la Reine des Fées[3],


Dont le sable est parsemé d’or,
De perles et de pierreries.


Croyez-moi, même dans les ouvrages les moins soignés de notre siècle, nos enfants découvriront peut-être des trésors.

Le Capitaine. Il y a des livres qui défient le pouvoir de l’alchimie, et qu’on aura beau passer au creuset…

L’Auteur. Il n’y en a certes qu’un petit nombre, puisque les écrivains dépourvus de tout talent, à moins qu’ils ne veuillent publier leurs ouvrages à leurs frais, comme sir Richard Black-

  1. J’espère mieux. a. m.
  2. Je ne mourrai pas tout entier. a. m.
  3. Poème de Spencer. a. m.