Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/34

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si récemment unies, éclata avec une fureur qui menaçait d’un embrasement général. Cette haine se communiquait des premières jusqu’aux dernières classes de la société. Et en même temps qu’elle occasionnait des débats dans le conseil et dans le parlement, des factions à la cour, et des duels parmi la noblesse, elle produisait dans la même proportion des désordres et des querelles dans les rangs inférieurs du peuple.

À l’époque où ces inimitiés avaient le plus de violence, un mécanicien ingénieux, mais fantasque et entêté dans ses opinions, consacrait, dans la ville de Londres, sa vie à l’étude des sciences abstraites : il se nommait David Ramsay ; et soit que ce fût son grand talent dans sa profession, comme les courtisans le prétendaient, ou comme le murmuraient tout bas ses voisins, l’avantage d’avoir pris naissance dans la bonne ville de Dalkeith, près d’Édimbourg, qui lui eût servi de recommandation, le fait est qu’il avait obtenu dans la maison du roi Jacques la charge de fabricant de montres et d’horloges de Sa Majesté. Il ne dédaignait cependant pas de conserver une boutique dans Temple-Bar, à quelques toises de l’église de Saint-Dunstan.

La boutique d’un marchand de Londres, comme on peut le supposer, était alors bien différente de celles que nous voyons maintenant dans les mêmes rues. Les marchandises était exposées en vente dans des montres et n’étaient préservées des injures du temps que par une couverture en canevas : tout cela ressemblait beaucoup plus aux étalages et aux baraques qui sont élevées pour la commodité temporaire des marchands forains qu’à l’établissement d’un respectable citoyen. Mais plusieurs des plus riches boutiquiers, et David Ramsay était du nombre, avaient attenant à leur échoppe un petit appartement qui s’ouvrait par derrière, et était à la boutique extérieure à peu près ce que la caverne de Robinson Crusoé était pour la tente qu’il avait construite devant. Maître Ramsay avait coutume de se retirer dans cette seconde place pour s’y livrer aux calculs abstraits de son art, car il visait aux perfectionnements et aux découvertes, et quelquefois il poussait ses recherches, comme Napier et d’autres mathématiciens de ce temps, jusque dans les sciences abstraites.

Quand il se livrait à ces occupations, il laissait les postes extérieurs de son établissement commercial à ses deux apprentis, jeunes gens robustes et doués d’une bonne poitrine, qui passaient la journée à crier : « Que demandez-vous ? que demandez-vous ? »