Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/33

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LES AVENTURES
DE NIGEL.



CHAPITRE PREMIER.

LONDRES SOUS LE ROI JACQUES.


Anglais et Écossais sont maintenant d’accord, et Saunders[1] s’empresse de traverser la Tweed, où tel est le luxe qui l’attend, que sa mère le reconnaîtrait à peine. Contemplez sa métamorphose : sa grosse ratine de Glascow est changée en riche brocard ; son épée à poignée de fer a fait place à l’élégante rapière dorée et ciselée ; son bonnet même est remplacé par le fin castor : vit-on jamais un galant de meilleur air ?
La Réformation.


Les longues hostilités qui pendant plusieurs siècles divisèrent les parties méridionales et septentrionales des îles Britanniques venaient d’être heureusement terminées par l’avénement du pacifique Jacques Ier au trône d’Angleterre. Mais quoique la couronne d’Angleterre fût jointe à celle d’Écosse sur la tête de ce même roi, il fallut un grand laps de temps et plus d’une génération pour détruire les préjugés nationaux invétérés qui ont si long-temps existé entre les royaumes-unis, et pour amener les sujets de l’un et de l’autre côté de la Tweed à se regarder mutuellement comme des amis et des frères.

Ces préjugés étaient naturellement dans toute leur force sous le règne du roi Jacques. Les sujets anglais l’accusaient de partialité envers ceux de son ancien royaume, tandis que les Écossais, au contraire, avec une égale injustice, lui reprochaient d’avoir oublié son pays natal, et de négliger les anciens amis à la fidélité desquels il avait été si redevable.

Le caractère du roi, pacifique jusqu’à la timidité, le portait perpétuellement à s’interposer comme médiateur parmi les factions des mécontents dont les querelles troublaient la cour. Mais, malgré toutes ses précautions, les historiens ont rapporté plusieurs circonstances où la haine mutuelle de ces deux nations, qui, après avoir été ennemies pendant mille ans, venaient d’être

  1. Nom donné au peuple écossais, comme on donne celui de Paddy aux Irlandais. a. m.