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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/68

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fou, et il me retint par le pan de mon manteau jusqu’à ce que le morceau lui restât dans la main ; de façon que je parvins à me planter devant le roi au moment où il montait à cheval. Je lui glissai la supplique dans la main… Il l’ouvrit tout étonné, et comme il en regardait la première ligne, il me vint dans la tête que je devais le saluer. Hélas ! j’eus le malheur en me baissant de toucher le nez de sa bête avec mon chapeau, de sorte que le cheval eut peur, et regimba ; sur quoi le roi, qui ne se tient guère mieux en selle qu’une paire de pincettes, pensa faire une chute qui probablement aurait mis mon cou en danger : il jeta le papier, qui tomba entre les pieds de l’animal, et il s’écria : « Qu’on se saisisse du traître ! » Là-dessus on me tomba dessus en criant à la trahison, et je songeai aux Ruthven qui avaient été poignardés dans leur propre demeure, et peut-être pour aussi peu de chose… Quoi qu’il en soit, il ne fut question que de me donner les étrivières, et on m’entraînait dans la loge du portier, sans doute pour essayer le fouet sur mon dos. Cependant je criais grâce de toutes mes forces ; et le roi, lorsqu’il se fut raffermi en selle, et qu’il eut repris haleine, s’écria qu’on ne me fît aucun mal ; « car, dit-il, c’est un de nos bœufs du Nord : je le reconnais à ses beuglements. » Et tout le monde se mit à rire, et à beugler assez haut… Il dit ensuite : « Qu’on lui donne une copie de la proclamation, et qu’il s’en retourne dans le Nord par le premier bateau à charbon, avant qu’il lui arrive pis. » Là-dessus on me lâcha, et ils s’en allèrent, tous en riant, ricanant, et se chuchotant les uns les autres quelque chose à l’oreille. Laurie Linklater me fit ensuite un fameux train : il me dit que je serais cause de sa ruine ; mais quand je lui répondis qu’il s’agissait de vos affaires, il répondit que s’il l’avait su, il se serait exposé à se faire gronder pour vous en mémoire du digne vieux lord votre père… Alors il me montra comment j’aurais dû m’y prendre, et de quelle manière j’aurais dû porter la main à mon front, comme si la grandeur du roi et l’éclat de son cheval m’avaient ébloui les yeux, et beaucoup d’autres singeries de ce genre que j’aurais dû faire, dit-il, au lieu de donner la supplique, comme si je portais des tripes à un ours… « Car, ajouta-t-il, Richie, le roi est naturellement bon et juste par caractère, mais il a des lubies, et il faut savoir le prendre. Et puis, Richie, » dit-il encore beaucoup plus bas, « je ne parlerais pas ainsi à tout autre qu’à un homme sage et prudent comme vous : mais le roi est entouré de gens