Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/8

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Le fondateur d’un pareil établissement passa, comme on le croira sans peine, sa vie dans une paix constante. Son œil attentif ne négligeait aucune occasion d’assister ceux qui ne possédaient pas l’expérience nécessaire pour se guider. Supposons qu’il cherchât à diriger de ses conseils bienfaisants un jeune noble égaré par la hauteur aristocratique de son époque, ou par le développement excessif du luxe qui semblerait plus particulier à la nôtre, ou bien encore, entraîné par les séductions du plaisir, qui sont de tous les temps : je pense qu’on peut tirer quelque plaisir et même quelque profit de la manière dont je peindrai les efforts de ce généreux Mentor en faveur de son élève. Je crois peu, je l’avoue, à l’utilité morale des compositions fictives ; cependant, si dans quelque cas un mot dit en temps opportun peut être profitable à la jeunesse, ce doit être sans doute celui qui la conjure de pratiquer l’abnégation de soi-même, et d’écouter la voix des principes, au lieu de celles des passions impétueuses. Je ne puis, à la vérité, avoir l’espoir de représenter mon prudent et bienveillant concitoyen sous un point de vue aussi intéressant que celui de la jeune paysanne qui sacrifia noblement ses affections de famille à l’intégrité de son caractère, quoique cependant je ne croie pas impossible de faire quelque chose qui ne soit pas indigne de la réputation que George Heriot s’était acquise par ses derniers bienfaits en faveur de son pays.

Il me semblait aussi qu’avec ce simple sujet je pouvais tisser quelque chose d’intéressant, parce que le règne de Jacques Ier, sous lequel George Heriot florissait, donnait à la fiction une liberté sans bornes, en même temps qu’il offrait pour les caractères historiques que l’on pouvait introduire, une différence et une variété plus grandes qu’elles n’auraient été si la scène eût été placée un siècle plus tard. Lady Marie Wortley Montagu a dit, avec autant de goût que de vérité, que le lieu le plus romantique d’un pays est celui où les montagnes s’unissent à la plaine. Par la même raison, on peut dire que l’époque la plus pittoresque de l’histoire est celle où les anciennes coutumes rudes et sauvages de l’âge barbare commencent à peine à se modifier, et contrastent avec la lumière de la science qui renaît ou qui s’augmente, et avec les instructions de la religion renouvelée ou réformée. Le contraste frappant produit par l’opposition des vieilles coutumes et des plus nouvelles qui s’introduisent par degrés, place dans le tableau les lumières et les ombres nécessaires à l’effet des nar-