Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/9

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rations fictives. En outre, une pareille époque permet à l’auteur d’introduire ces caractères merveilleux et incroyables qui surgissent au milieu des troubles de l’indépendance et de la férocité appartenant aux anciennes habitudes de violence qui influencent encore les mœurs d’un peuple sorti tout nouvellement de la barbarie. D’un autre côté, le caractère et les sentiments de plusieurs acteurs peuvent être, sans invraisemblance, décrits avec une grande variété d’ombres et de traits qui appartiennent à la période plus nouvelle et plus perfectionnée dont le monde n’a reçu que depuis peu la lumière.

Le règne de Jacques Ier d’Angleterre posséda cet avantage à un degré particulier. L’astre de la chevalerie, quoique déjà affaibli, rayonnait encore, et continuait à animer et à dorer l’horizon. Personne pourtant n’agissait précisément selon les règles de don Quichotte ; homme ou femme parlait encore la langue chevaleresque de l’Arcadia de sir Philip Sydney ; le cérémonial du champ clos était encore déployé, quoiqu’il ne fleurît plus guère que comme place de Carrousel. Çà et là, un fier chevalier du Bain (témoin le trop scrupuleux lord Herbert de Cherbury) se trouvait assez dévoué à ses vœux pour se croire obligé de contraindre, à la pointe de l’épée, un chevalier ou écuyer de rendre la fontange qu’il avait dérobée à une belle damoiselle[1]. Mais tandis que les hommes s’égorgeaient pour ces légers points d’honneur, le moment était déjà venu où Bacon enseignait au monde qu’il ne fallait pas raisonner plus long-temps, d’après l’autorité, sur les faits, mais qu’il fallait établir la vérité en avançant, par l’induction de fait en fait, jusqu’à ce qu’ils eussent fixé une autorité inébranlable, née, non de l’hypothèse, mais de l’expérience.

L’état de la société était aussi étrangement troublé sous le règne de Jacques Ier et la licence d’une partie des citoyens était une cause continuelle d’actes sanguinaires et violents. L’assassin de la reine dont Shakspeare nous a donné tant de variétés, telles que Burdolph, Nym, Pistol, Peto, et les autres compagnons de Falstaff, tous hommes qui avaient leurs humours ou leurs extravagances particulières, avait, depuis le commencement de la guerre des Pays-Bas, cédé le pas à une race de spadassins qui se servaient de la rapière et de la dague, au lieu de l’épée et du bouclier, bien moins dangereux. Voici ce que dit un historien sur ce sujet : Ces querelles privées divisaient les Écossais et les

  1. Voyez les Mémoires de lord Herbert de Cherbury.