Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/110

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ouvert les yeux à la vraie lumière, et se contente d’errer dans l’obscurité parmi les tombes des morts.

« J’ai souvent prié dans le silence et les veilles de mes nuits, pour que Votre Seigneurie renonçât enfin aux doctrines qui l’égarent ; mais je dis avec douleur que, notre chandelier étant sur le point d’être déplacé, la terre sera probablement plongée bientôt dans des ténèbres plus épaisses que jamais ; et que le retour du roi, que j’avais considéré, ainsi que beaucoup d’autres, comme une manifestation de la faveur divine, ne paraît plus être autre chose qu’un triomphe accordé au prince de l’air, qui déjà songe à rétablir sa cour vaniteuse d’évêques, de doyens, et de je ne sais quels autres dignitaires orgueilleux, excluant des fonctions ecclésiastiques les paisibles ministres dont les pieux travaux furent utiles à tant d’âmes affligées. Ayant appris d’une source certaine qu’une ordonnance a été rendue pour rétablir ces chiens sans voix, ces sectateurs de Laud et de Williams, expulsés par le dernier parlement, et qu’un acte de conformité, ou plutôt de difformité de culte, est attendu incessamment, mon projet est de fuir les malheurs que le courroux céleste prépare, et d’aller me réfugier dans quelque coin de la terre où je pourrai vivre en paix et jouir de ma liberté de conscience. Qui voudrait rester dans le sanctuaire lorsque les sculptures et les ornements en sont brisés et renversés à terre, et lorsqu’il est devenu un lieu de retraite pour les hiboux et les satyres du désert ? Et, à cet égard, je dois me blâmer, madame, d’avoir consenti avec trop de facilité à me rendre dans une maison de festin et de joie, où mon amour pour la concorde, et le désir extrême que j’avais de prouver mon respect à Votre Seigneurie ont eu seuls le pouvoir de m’attirer. Mais j’ose croire qu’en m’éloignant aussi du lieu de ma naissance, de la maison de mes pères, de cet asile où gît la poussière des objets qui eurent mes plus chères affections, j’expierai suffisamment une telle faute. J’ai aussi à rappeler que mon honneur, d’après le sens que le monde y attache, a été gravement outragé dans ce pays par sir Geoffroy Peveril, qu’il a presque réduit à rien l’utilité dont je pouvais y être, et cela sans que j’aie aucune chance d’obtenir de lui la moindre réparation : c’est absolument, selon moi, comme si la main d’un parent s’était levée contre mon honneur et ma vie. De telles choses sont amères pour un vieil homme : aussi, afin de prévenir toute querelle ultérieure, et peut-être l’effusion du sang, il est bon que je quitte ce pays pour quelque temps. Quant