Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/126

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que cruauté, » s’écria Solsgrace avec emphase, et par forme de commentaire sur ce discours, que sir Jasper avait débité d’un ton fort pathétique.

« Je prie Votre Révérence de ne pas m’interrompre davantage, dit sir Jasper, d’autant plus que cette affaire, je crois, vous concerne peu ; et je vous prie de me permettre de m’acquitter régulièrement de la mission dont m’a chargé mon digne ami. »

À ces mots, il tira sa rapière du fourreau, et passant la pointe dans le fil de soie qui fermait le cartel, il le présenta une seconde fois gracieusement, à la pointe de l’épée, au major Bridgenorth, qui de nouveau le repoussa, mais avec la rougeur au front, comme s’il eût fait un violent effort sur lui-même. Il recula, et fit un profond salut à sir Jasper Crambourne.

« Puisqu’il en est ainsi, dit ce dernier, je prendrai sur moi de violer le sceau de la lettre de sir Geoffrey, et je vous la lirai moi-même, afin de pouvoir m’acquitter pleinement de ma mission, et vous faire connaître, dans toute leur étendue, les généreuses intentions de sir Geoffrey en votre faveur. — Si le contenu de cette lettre, dit le major, n’a trait qu’à ce que vous m’avez déjà fait connaître, toute autre peine de votre part est absolument inutile : mon parti est pris à cet égard. — N’importe, » dit sir Jasper en ouvrant le cartel, « il convient que je vous lise la lettre de mon honorable ami. » Et en conséquence il lut ce qui suit :

« Au digne Ralph Bridgenorth, écuyer, de Moultrassie-House,

« Par l’honorable entremise du digne sir Jasper Crambourne, chevalier, de Long-Mallington.

« Maître Bridgenorth,

« Nous avons compris par la lettre que vous avez écrite à notre épouse chérie, dame Marguerite Peveril, que vous avez sur le cœur certains incidents survenus récemment entre vous et moi, comme si votre honneur avait été blessé par ce qui a eu lieu. Quoique vous n’ayez pas jugé à propos de vous adresser directement à moi pour réclamer la satisfaction qu’en pareil cas un homme de condition doit à un autre, je suis convaincu que cette conduite ne provient que d’un sentiment de modestie, qui a pour cause l’inégalité de nos rangs, et je ne l’attribue point au manque de courage, puisque vous avez fait vos preuves pour la défense d’une cause que je voudrais pouvoir appeler bonne. Je