Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/143

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temps, afin d’y recevoir la même éducation que le jeune comte de Derby. Quoique les prédictions funestes de Bridgenorth revinssent quelquefois à l’esprit de lady Peveril, elles n’eurent pas assez de poids sur elle pour triompher des avantages que la protection de la comtesse assurait à son fils.

Ce plan parut réussir à tous égards ; et lorsque, de temps en temps, Julien venait visiter la maison paternelle, lady Peveril avait la satisfaction de voir que les qualités de l’esprit se développaient en lui de même que les manières, et qu’il s’appliquait toujours avec la même ardeur aux plus solides études. Il devint avec le temps un jeune homme accompli, et fit un voyage sur le continent avec le jeune comte. Ce voyage était nécessaire pour qu’ils eussent une plus ample connaissance du monde, connaissance que la comtesse ne pouvait leur donner complètement, n’ayant jamais paru à Londres ni à la cour du roi Charles, depuis sa fuite dans l’île de Man, en 1660, et ayant toujours résidé dans son royaume solitaire et aristocratique, d’où elle ne sortait quelquefois que pour aller visiter ses domaines d’Angleterre.

Cette circonstance avait donné à l’éducation des deux jeunes gens, quoique des maîtres choisis l’eussent d’ailleurs rendue si parfaite, quelque chose de rétréci et de borné ; mais bien que le caractère du jeune comte fût plus léger et plus frivole que celui de Julien, l’un et l’autre profitèrent également de ce voyage. Lady Derby avait strictement enjoint à son fils, à son retour du continent, de ne point paraître à la cour de Charles ; mais, devenu majeur dans l’intervalle, il ne jugea pas absolument nécessaire d’obéir à cette injonction, et il alla passer quelque temps à Londres, où il s’enivra de tous les plaisirs d’une cour qui lui parut d’autant plus séduisante que sa première jeunesse s’était écoulée dans la retraite.

Afin d’obtenir de la comtesse le pardon de cette désobéissance, lord Derby, qui conservait pour sa mère le profond respect dans lequel il avait été élevé, consentit à faire un long séjour près d’elle dans son île favorite, dont il lui abandonna presque entièrement l’administration.

Julien Peveril avait passé au château de Martindale la plus grande partie du temps pendant lequel son ami avait séjourné à Londres ; et, à l’époque à laquelle notre histoire est arrivée, ils habitaient tous deux, avec la comtesse, le château de Rushin, dans le vieux royaume de Man.