Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/149

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saints. Les statues avaient été détruites et remplacées par des pots de fleurs, autour desquels croissaient diverses espèces de plantes grimpantes, taillées et arrangées soigneusement. Le jardin était bien tenu, et quoique ce lieu fût extrêmement solitaire, on remarquait partout un air d’aisance et même d’élégance qu’il était en général fort rare de rencontrer à cette époque dans les habitations de l’île.

Ce fut avec beaucoup de circonspection que Julien s’approcha du petit porche gothique qui défendait l’entrée de la maison contre les intempéries auxquelles sa situation l’exposait, et qui, de même que les arcs-boutants, était couvert de lierre et d’autres plantes grimpantes. Un anneau de fer, disposé de manière que, lorsqu’on le soulevait, il frappait en retombant contre la barre de fer à laquelle il était attaché, servait de marteau : Julien le fit agir, mais avec la plus grande précaution.

Il fut quelque temps sans recevoir de réponse, et on eût dit que la maison n’était point habitée. Son impatience l’emportant à la fin, il essaya d’ouvrir la porte, et comme elle n’était fermée qu’au loquet, il y parvint aisément. Il traversa une petite salle, basse et voûtée, au fond de laquelle était un escalier, et, tournant sur la gauche, il ouvrit la porte d’un salon d’été, boisé en chêne noir, dont tout l’ameublement se composait de quelques tables de même bois et de sièges couverts de cuir. Cette pièce était fort sombre, le jour n’y pénétrant que par une de ces croisées lourdement encadrées dont nous avons déjà parlé, et qui était garnie d’un épais feuillage de lierre. Au-dessus du manteau de la cheminée, en chêne noir comme la boiserie, était suspendu le seul ornement de la pièce : c’était le portrait d’un officier, revêtu de l’uniforme adopté lors des guerres civiles. Le collet qui tombait sur la cuirasse, l’écharpe de couleur orange, et surtout les cheveux coupés très court autour de la tête, montraient clairement auquel des deux partis politiques il avait appartenu. Sa main droite était appuyée sur la garde de son épée, et de la gauche il tenait une petite Bible portant cette inscription : In hoc signo. Il avait le visage ovale, le teint clair et pâle, et des yeux bleus d’une beauté presque féminine. C’était une de ces physionomies auxquelles on attache naturellement une idée de mélancolie et d’infortune, quoique d’ailleurs elles ne soient point désagréables. Apparemment que cette figure était bien connue de Julien Peveril ; car, après l’avoir regardée quelque temps, il ne put s’empê-