Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/181

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Ce fut justement ce qui arriva dans la conversation de Peveril avec Bridgenorth, pendant leur promenade.

Évitant soigneusement le sujet dont il avait déjà été question entre eux, le major fit tomber la conversation sur ses voyages dans les pays étrangers, sur les merveilles qu’il avait vues en diverses contrées lointaines, et qu’il paraissait avoir observées avec l’attentive curiosité du philosophe. Cet entretien fit passer le temps avec rapidité ; car, bien que les anecdotes et les réflexions de Bridgenorth prissent la teinte de l’esprit grave et sombre du narrateur, elles étaient pleines d’intérêt, et de nature à charmer l’oreille d’un jeune homme. Elles plurent donc à Julien, pour qui le romanesque et le merveilleux n’étaient pas sans attrait.

Bridgenorth paraissait connaître le midi de la France, et il pouvait raconter une foule d’histoires relatives aux huguenots français, qui déjà commençaient à éprouver ces persécutions dont la violence devait éclater, quelques années plus tard par la révocation de l’édit de Nantes. Il avait même voyagé en Hongrie ; car il parlait, comme en ayant une connaissance personnelle, du caractère de plusieurs des chefs de la grande insurrection protestante qui avait eu lieu sous le célèbre Tékéli, et il prouvait par des raisonnements solides qu’ils avaient droit de faire cause commune avec le grand-turc plutôt que de se soumettre au pape de Rome. Il parla aussi de la Savoie, où les partisans de la religion réformée souffraient encore des persécutions cruelles ; enfin il témoigna son enthousiasme pour la protection qu’Olivier Cromwell avait accordée aux églises protestantes opprimées ; « se montrant de la sorte, ajouta-t-il plus capable d’exercer le pouvoir suprême que ceux qui, le réclamant par droit de naissance, ne l’emploient qu’à satisfaire leurs goûts pour les vanités et les voluptés du monde. — Je ne m’attendais pas, » dit modestement Peveril, « à entendre le panégyrique de Cromwell sortir de votre bouche, monsieur Bridgenorth. — Je ne fais point son panégyrique, répondit celui-ci ; je dis seulement la vérité sur cet homme extraordinaire, qui n’existe plus, et auquel je n’ai pas craint de résister ouvertement pendant sa vie. C’est la faute du monarque actuel, si nous sommes forcés de nous rappeler avec regret le temps où la nation était respectée au dehors, où la piété et la sobriété étaient pratiquées à l’intérieur. Mais je ne veux pas vous ennuyer par la controverse : vous avez vécu au milieu des gens qui trouvent plus facile et plus agréable de recevoir des pensions