Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/298

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les occasions solennelles : on passait ordinairement par une petite poterne. Cependant Julien la trouva également ouverte ; circonstance qui seule eût suffi pour l’alarmer, s’il n’eût été déjà prévenu. Son cœur battit violemment en entrant dans le vestibule qui conduisait au grand salon, où se tenait habituellement la famille ; et ses craintes augmentèrent, lorsqu’en s’approchant il entendit le murmure de plusieurs voix. D’un mouvement impétueux il ouvrit la porte, et le spectacle qui s’offrit à sa vue ne justifia que trop ses pressentiments funestes.

Vis-à-vis de lui était le vieux chevalier, les bras fortement attachés par une ceinture de cuir ; deux coquins de fort mauvaise mine, qui paraissaient le garder, le tenaient par l’habit. Le sabre nu qui était sur le parquet, et le fourreau vide, suspendu encore au côté de sir Geoffrey, annonçaient que le vieux chevalier ne s’était pas soumis sans résistance. Deux ou trois personnes, le dos tourné du côté de Julien, étaient assises devant une table et occupées à écrire : c’était leurs voix qu’il avait entendues. Lady Peveril, pâle comme la mort, se tenait à quelques pas de son mari, sur lequel ses regards étaient fixés avec l’expression de la douleur. La première, elle aperçut Julien.

« Ciel miséricordieux ! s’écria-t-elle, mon fils ! Le malheur de notre maison est au comble. — Mon fils, » répéta sir Geoffrey, sortant tout-à-coup de l’abattement où il était plongé, et faisant retentir un de ses jurements ordinaires. « Tu arrives à propos, mon Julien, frappe un grand coup ; fends-moi la tête de ce traître, de ce bandit, depuis le crâne jusqu’à l’estomac ; et cela fait, nous verrons après. »

À l’aspect de la situation indigne où était son père, Julien oublia l’inégalité du nombre. « Misérables ! » s’écria-t-il en tirant son épée et en se précipitant sur les deux gardes qui tenaient sir Geoffrey, « cessez de le retenir ; » et, pour se défendre, ils furent forcés de le lâcher.

Sir Geoffrey, délivré en partie, cria à sa femme de déboucler le ceinturon : « Dame Marguerite, il faudra qu’ils combattent bien pour vaincre le père et le fils. »

Mais l’un des hommes occupés à écrire s’était levé aux premières paroles de Julien, et il empêcha lady Peveril de rendre à son mari le service qu’il demandait, tandis qu’un autre se rendit maître de la personne du vieux chevalier qui, bien que garrotté, ne lui en donna pas moins de grands coups de bottes dans les