Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/307

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homme, et regardez les tours obscures de la maison de votre père, qui s’élèvent aussi orgueilleusement sur le sommet de la montagne que leurs superbes possesseurs s’élevaient au-dessus des enfants du peuple. Pensez à votre père qui est captif, à vous-même qui êtes en quelque sorte fugitif. Votre lumière est éteinte, votre gloire s’est éclipsée, votre fortune a fait naufrage, et à peine vous en reste-t-il quelques misérables débris. Songez que la Providence a soumis la destinée des Peveril à un homme que, dans leur orgueil aristocratique, ils regardaient comme un plébéien parvenu. Réfléchissez à tout cela ; et quand vous serez tenté de vous glorifier de vos ancêtres, souvenez-vous que celui qui a pu élever le plus humble peut abattre le cœur le plus présomptueux. «

Julien, la douleur dans l’âme, leva un instant les yeux vers les murs de la maison paternelle, qu’on entrevoyait à peine, et sur lesquels se répandait la faible clarté de la lune mêlée aux noires ombres des tours et des grands arbres. Mais tout en reconnaissant avec tristesse la vérité de l’observation de Bridgenorth, il se sentit indigné. « Si la fortune eût été juste, dit-il, le château de Martindale et le nom de Peveril ne seraient pas pour leur ennemi un sujet d’insultant triomphe. Mais ceux que la fortune avait élevés sur le haut de son char doivent se résigner à subir ses caprices. Tout ce que je puis dire, c’est que du moins la maison de mon père ne s’est pas élevée sans honneur, et qu’elle ne s’écroulera pas, si elle doit tomber, sans que sa chute soit déplorée. Gardez-vous donc, si vous êtes chrétien comme vous le prétendez, de triompher du malheur des autres et de vous fier à votre prospérité. Si l’étoile de notre maison s’est éclipsée, si la lumière s’est éteinte, Dieu peut la rallumer quand il lui plaira. »

Peveril s’interrompit, frappé de surprise ; car, à peine avait-il proféré ces dernières paroles, que les rayons brillants de l’étoile polaire de sa maison vinrent tout à coup frapper ses regards. Le fanal protecteur reparut au sommet de la tour d’observation, éclipsant de sa lumière la pâle clarté de la lune. Ce fut avec le même étonnement, et non sans marquer un peu d’inquiétude, que Bridgenorth remarqua cette lueur subite. « Jeune homme, dit-il, on ne peut douter que le ciel n’ait de grandes vues sur vous, car il est singulier que vos paroles aient été suivies aussi promptement d’un tel présage. »

En achevant ces mots, il fit repartir son cheval ; et, se retournant de temps en temps, comme pour s’assurer que le fanal de la