Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/310

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cheveux et faisait ressortir les oreilles de cette manière si disgracieuse qu’on remarque dans les vieux portraits du temps, et qui fit donner aux puritains le sobriquet injurieux de têtes-rondes à oreilles dressées.

Ces graves personnages étaient rangés contre la boiserie, assis chacun sur une antique chaise à dos élevé et à longs pieds, sans se regarder entre eux, sans paraître même causer ensemble, et semblaient tous plongés dans leurs propres réflexions, ou attendre, comme une assemblée de quakers, le stimulant de quelque inspiration divine.

Le major Bridgenorth, avec un maintien non moins grave, non moins sévère, pénétra sans bruit au milieu de cette société dont le silence avait quelque chose de sinistre. Il s’arrêta successivement devant chacune des personnes qui la composaient, sans doute pour leur apprendre ce qui avait eu lieu le soir même au château de Martindale, et le motif qui faisait que l’héritier, de cette maison était l’hôte de Moultrassie-House. Elles parurent s’émouvoir à ces courts détails : on eût dit une rangée de statues placées dans un palais enchanté, et recevant, chacune à son tour, une sorte de vie, à mesure que le talisman les touchait. La plupart, en écoutant le récit du major, jetaient sur Julien un regard de curiosité mêlé d’un mépris hautain qui indiquait à la fois le sentiment intérieur de leur supériorité spirituelle. Cependant on pouvait remarquer sur le visage de quelques-uns l’expression de sentiments plus doux et plus compatissants. Peveril aurait subi cette espèce d’examen importun avec moins de patience, si ses yeux n’avaient été occupés à suivre tous les mouvements d’Alice : elle traversa l’appartement en répondant quelques mots à voix basse à une ou deux personnes qui lui firent quelques questions, et alla s’asseoir près d’une vieille dame coiffée d’un chaperon : c’était la seule femme de la société ; elle s’entretint avec elle d’une manière si animée qu’elle put se dispenser de lever la tête, ou de regarder qui que ce fût de ceux qui étaient présents.

Son père lui fit une question, à laquelle elle fut pourtant obligée de répondre : « Où est mistress Debbitch ? demanda-t-il. — Elle est sortie immédiatement après le coucher du soleil, pour aller rendre visite à quelques anciennes connaissances du voisinage. Elle n’est pas encore revenue. »

Le major fit un geste de surprise et de mécontentement, et il annonça la détermination où il était que dame Deborah cessât