Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/311

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d’appartenir à sa maison. « Je ne veux chez moi, » dit-il à haute voix, et sans paraître s’inquiéter de la présence de ses hôtes, « que des gens qui sachent se tenir dans les bornes décentes et modestes convenables à une famille chrétienne. Quiconque prétend à plus de liberté doit s’éloigner de nous, car il ne fait pas partie des nôtres. »

Une espèce de murmure sourd et emphatique était alors le moyen dont les puritains se servaient pour témoigner leur approbation, et pour applaudir aux doctrines débitées dans la chaire par quelque prédicateur favori. Ils l’employaient également dans l’intimité de la société pour approuver les discours qui leur plaisaient. Ce fut ainsi que les assistants accueillirent les paroles du major, et semblèrent confirmer le renvoi de la pauvre gouvernante, convaincue de s’être écartée de ce que les puritains appelaient les bornes de la décence et de la modestie. Bien que, dans les premiers temps de sa connaissance avec Alice, Peveril eût tiré de grands avantages du caractère mercenaire de la gouvernante, et de son amour pour le bavardage, il ne put s’empêcher intérieurement d’approuver ce congé : tant il désirait, dans les circonstances difficiles qui pouvaient survenir, qu’Alice pût être guidée et conseillée par une personne de son sexe, dont les manières fussent plus distinguées et la probité moins suspecte que celles de mistress Debbitch.

À peine cette décision venait-elle d’être prononcée qu’un domestique en deuil ouvrit la porte du salon, et, allongeant son visage maigre et ridé, annonça d’une voix qui ressemblait plutôt à un glas funèbre qu’à celle du héraut d’un banquet, « que la table était servie dans l’appartement voisin. »

Ouvrant la marche avec gravité, le major, placé entre sa fille et la dame puritaine, guida lui-même la compagnie. On le suivit, sans trop de cérémonial, dans la salle à manger, où un souper très-substantiel était servi.

De cette manière, Peveril, quoique ayant droit, d’après l’étiquette ordinaire, à quelque préséance, chose aussi importante alors qu’elle est insignifiante aujourd’hui, fut du nombre des derniers qui sortirent du salon. Il aurait même été le dernier tout à fait, si un homme de la compagnie, qui se trouvait également à l’arrière-garde, ne l’eût salué en lui cédant le rang que les autres avaient usurpé.

Cette politesse porta naturellement Julien à examiner les traits