Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/322

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vrai. Le fanal de la tour est aussi noir que mon ceinturon. L’étoile polaire de Peveril ne brille plus. Qu’est-ce que cela signifie ? — Mort, ruine et captivité, s’écria la vieille Ellesmère ; retourne au château, misérable, et laisses-y ton grand corps, s’il le faut, va te battre pour la maison qui t’a nourri et élevé, et si tu es enseveli sous les ruines, tu mourras du moins de la mort d’un homme. — Ma tante, je saurai me battre comme il faut, soyez-en sûre ; mais voici des personnes qui, j’en réponds, nous en apprendront davantage. »

Deux servantes qui avaient fui du château pendant l’alarme entrèrent alors, et firent chacune un récit différent ; mais toutes deux s’accordèrent à dire qu’un corps d’hommes armés était en possession du château ; que le major Bridgenorth avait emmené le jeune monsieur Julien prisonnier à Moultrassie-House, lié et garrotté sur un cheval, spectacle désolant à voir, assuraient-elles, « lui un si beau jeune homme ! un jeune homme si bien né ! »

Lance-Outram se gratta la tête ; et, bien que s’avouant intérieurement le devoir qui lui était imposé comme fidèle serviteur, devoir dont le souvenir d’ailleurs n’aurait pas manqué d’être réveillé en lui par les exclamations et les cris de sa tante, il ne parut pas peu embarrassé sur la conduite qu’il avait à tenir. « Plût à Dieu, ma tante, dit-il enfin, que le vieux Wintaker vécût encore, avec ses éternelles histoires sur Marstonmoor et Edgehill, qui nous faisaient bâiller jusqu’à nous démonter les mâchoires, en dépit des tranches de lard et de la bière double ! On ne regrette bien un homme que lorsqu’on en a besoin ; et je voudrais pour une bonne pièce d’or qu’il fût ici, afin d’arranger cette affaire, qui est tout à fait hors de mes attributions de garde forestier. Je n’entends rien à la guerre ; cependant je veux que le diable m’emporte s’ils emmènent le vieux sir Geoffrey sans qu’une arbalète soit tirée. Voyons, Nell, » ajouta-t-il en parlant à l’une des deux fugitives « Mais non, tu n’as pas plus de cœur qu’un chat, et tu es effrayée de ton ombre au clair de la lune. Toi, Cisly, tu es une gaillarde résolue, et tu sais distinguer un daim d’un bouvreuil. Écoute-moi donc, Cisly : tu veux te marier, n’est-ce pas ? en bien, retourne au château, et rentres-y, tu sais par où ; car plus d’une fois tu es sortie furtivement par la poterne pour aller jouer ou danser, je le sais bien. Retourne donc au château, si tu veux te marier, je le répète. Rends-toi auprès de milady : ils ne sauraient t’en empêcher. Milady a une tête qui en vaut vingt comme les