Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/33

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aussi pénible, il suffira de dire que lady Peveril se chargea de remplir les devoirs de mère envers la petite orpheline ; et peut-être fut-ce, en grande partie, au régime bien entendu qu’elle adopta à son égard, que l’enfant dut la conservation d’une vie qui, faible et chancelante, n’eût pas tardé à s’éteindre comme celle des autres enfants du major, si on l’eût étouffée sous cet excès de précautions et de soins si naturel à une mère rendue défiante et craintive par tant de pertes successives. Lady Peveril était d’autant plus capable de remplir une pareille tâche, qu’elle-même avait perdu deux enfants en bas-âge, et qu’elle attribuait la conservation du troisième, qui était alors un beau garçon de trois ans, plein de fraîcheur et de santé, à un régime tout à fait différent de celui qui était généralement en usage alors. Elle résolut donc de suivre, à l’égard de la petite orpheline, la même méthode qu’elle avait adoptée pour son fils ; et le succès fut le même. On renonça donc à l’abus dangereux des médicaments ; l’enfant fut exposé librement à l’air ; une attention ferme et constante à seconder les efforts de la nature, au lieu de chercher à les hâter, fit disparaître en peu de temps tout signe de débilité ; et la petite Alice, confiée aux soins d’une excellente nourrice, acquit chaque jour plus de force et de vivacité.

Sir Geoffrey, comme la plupart des hommes d’un caractère franc et d’un cœur généreux, aimait naturellement les enfants ; il éprouvait une telle sympathie pour les chagrins de son voisin, qu’il oublia complètement que ce dernier était presbytérien, jusqu’au moment où il devint nécessaire de faire baptiser l’enfant par un ministre de cette croyance.

C’était une conjoncture difficile, dans laquelle le père était incapable de donner un avis utile ; et voir le seuil de Martindale-Castle violé par le pied hérétique d’un prêtre non-conformiste, c’était une pensée qui faisait frémir d’horreur le châtelain orthodoxe. Il avait vu le fameux Hugh Peters, la Bible dans une main et un poignard dans l’autre, entrer en triomphe dans la cour du château, lors de la reddition de Martindale ; et l’impression de cette heure d’amertume avait pénétré comme un fer rouge dans son âme. Cependant, telle était l’influence de lady Peveril sur les préjugés de son mari, qu’elle le décida à souffrir que la cérémonie eût lieu dans une petite maison située au bout du jardin, et qui n’était pas précisément dans l’enceinte des murs du château. Lady Peveril osa même assister à la cérémonie du baptême, qui fut con-