Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/338

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vous persécuter ! Et d’ailleurs elles sont deux contre un ; car ma tante, quoique d’une humeur assez difficile dans certaines circonstances, a beaucoup de considération pour l’article important des espèces, et il paraît que mistress Debbitch est riche comme un juif. — Et vous, Lance, dit Julien, vous ne vous souciez guère de vous marier pour l’amour d’un gâteau ou d’un pouding ? — Non, en vérité, monsieur Julien, à moins que je ne sache de quelle pâte ils sont faits. Comment diantre puis-je deviner de quelle manière la friponne a gagné tant d’argent ? Si elle veut parler de gages d’amour, elle n’a qu’à redevenir la jeune fille leste et jolie avec laquelle j’ai rompu le demi-schelling, et moi je redeviendrai pour elle l’amoureux d’autrefois. Mais je n’ai jamais entendu parler d’un amour qui ait duré dix ans ; et le sien, s’il dure encore, doit en avoir bien près de vingt. — Eh bien donc, Lance, dit Julien, puisque vous y êtes déterminé, nous irons ensemble à Londres ; et si je ne puis vous garder à mon service, et que mon malheureux père ne voie pas la fin de ses infortunes, je ferai en sorte de vous procurer une autre place. — Oh ! j’espère bien, reprit Lance, revenir bientôt à Martindale, et faire la ronde dans les bois selon ma coutume. Lorsque dame Debbitch et ma tante ne m’auront pas là pour servir de but aux coups de leurs langues, elles banderont leurs arcs l’une contre l’autre. Mais voici dame Ellesmère qui vous apporte votre déjeuner. Je vais donner quelques ordres relativement aux daims du parc à Rough-Ralph, mon adjoint, et brider mon petit cheval de chasse[1], ainsi que la monture de Votre Honneur, qui, soit dit en passant, n’est pas une des meilleures que je connaisse, et ensuite nous pourrons nous mettre en route. »

Julien n’était pas fâché d’avoir à sa suite un homme qui, la nuit précédente, lui avait donné des preuves d’attachement et d’intrépidité. Il s’efforça donc de réconcilier la tante avec l’idée du départ de son neveu. Le dévouement sans bornes de la bonne femme pour les Peveril ne lui permit pas de refuser son consentement à la proposition ; mais elle soupira de regret en voyant s’évanouir le château en l’air qu’elle avait pris plaisir à élever sur la bourse bien garnie de mistress Deborah Debbitch. « Au surplus, pensa-t-elle, il n’y a pas de mal qu’il s’éloigne de cette effrontée coureuse à longues jambes, de cette Cisly Sellok, qui n a pas un sou. » Quant à la pauvre Deborah, le départ de Lance, de

  1. Forest pony, dit le texte. a. m.