Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/42

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terrompit lady Peveril, que vous ne trouverez prescrit ni par les dogmes d’une église, ni par ceux de l’autre, que je ne dois pas servir de mère à votre fille, qui a perdu la sienne. J’ai la conviction, maître Bridgenorth, que la restauration de Sa Majesté, œuvre de la Providence, sera le terme de toute dissension religieuse ou civile, le lien d’union et de sympathie entre tous les partis, et qu’au lieu de chercher à prouver, chacun de notre côté, la pureté supérieure de notre foi, en persécutant ceux qui pensent autrement que nous sur certains points de doctrine, nous nous efforcerons de prouver que nous sommes réellement chrétiens, en pratiquant à l’envi les uns des autres des œuvres de charité envers tous les hommes, de quelque secte qu’ils soient. Voilà, je crois, le meilleur témoignage de notre amour pour Dieu. — Votre langage est dicté par la bonté de votre cœur, milady, » répondit Bridgenorth, qui avait sa part des idées rétrécies de son temps ; « et je suis bien sûr que si tous ceux qui prennent le titre de cavalier et de sujets loyaux et fidèles pensaient comme vous, et comme mon ami sir Geoffrey, » ajouta-t-il après quelques secondes de réflexion, qui prouvaient que cette dernière phrase était bien moins une louange sincère qu’une sorte de compliment, « nous qui regardions jadis comme un devoir de prendre les armes pour la liberté de conscience, et contre tout pouvoir arbitraire, nous pourrions maintenant jouir en paix du bonheur commun. Mais qui sait ce qui peut arriver ? Vous avez parmi les hommes de votre parti des têtes chaudes, des esprits exaspérés ; je ne prétends pas dire que nous ayons toujours fait de notre pouvoir un usage modéré, et la vengeance est douce à la race déchue d’Adam. — Allez, allez, maître Bridgenorth, » reprit lady Peveril avec gaieté, « ces funestes pressentiments ne servent qu’à faire tirer des conjectures qui, je l’espère, ne se réaliseront jamais. Vous savez ce que dit Shakspeare :

Mais fuir le sanglier avant qu’il vous poursuive,
C’est appeler sur soi le danger qu’on esquive ;
C’est du fier animal éveiller le courroux,

Lorsqu’il ne songeait point à vous.

« Mais je vous demande pardon, il y a si long-temps que nous ne nous sommes vus, que j’ai oublié que vous n’aimez pas les pièces de théâtre. — Avec tout le respect que je vous dois, milady, répondit Bridgenorth, je me croirais très-blâmable si j’avais besoin des paroles oiseuses d’un baladin de Warwichshire, pour m’apprendre la reconnaissance que je vous dois, reconnaissance qui