Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/445

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Au milieu de l’obscurité complète qui régnait dans la chambre, et avec un vif désir, qui n’était pas sans un certain mélange de crainte, d’entendre encore la voix mystérieuse de la nuit précédente, Julien demeura long-temps éveillé, sans que ses méditations fussent interrompues autrement que par l’horloge qui sonnait l’heure écoulée au clocher de l’église du Saint-Sépulcre, voisine de Newgate. Enfin il s’assoupit ; mais il n’avait pas encore sommeillé une heure, à ce qu’il lui sembla, quand son repos fut troublé par les sons que son oreille aux aguets avait vainement attendus.

« Pouvez-vous dormir ? voulez-vous dormir ? osez-vous dormir ? » furent les questions que lui adressa la même voix, claire, douce et mélodieuse, qui lui avait parlé la nuit précédente.

« Qui me questionne ainsi, répliqua Julien. Mais que le questionneur soit bien ou mal intentionné, je réponds que je suis innocent, et l’innocence peut vouloir et peut oser dormir profondément. — Ne m’adressez pas de questions, dit la voix, et n’essayez pas de découvrir qui vous parle ; mais soyez convaincu que la folie seule peut dormir avec la perfidie d’un côté et le péril de l’autre. — Vous qui me parlez de péril, pouvez-vous m’indiquer le moyen de le combattre ou de l’éviter ? dit Julien. — Mon pouvoir est limité ; cependant je puis faire quelque chose, comme le ver luisant peut montrer un précipice. Mais il faut mettre votre confiance en moi. — La confiance doit engendrer la confiance. Je ne puis accorder la mienne sans savoir à qui et pourquoi. — Ne parlez pas si haut, » dit la voix en baissant tout à coup le ton.

« La dernière nuit, répliqua Julien, vous disiez que mon compagnon ne s’éveillerait pas. — Cette fois je ne réponds pas qu’il ne s’éveille, » reprit la voix ; et aussitôt les accents rauques, criards et discordants du nain se firent entendre, demandant à Julien pourquoi il parlait ainsi durant son sommeil, ou, s’il ne dormait pas lui-même, pourquoi il ne laissait pas dormir les autres, et enfin si ses visions de la dernière nuit lui revenaient encore.

« Dites oui, » murmura la voix d’un ton si bas, et cependant si distinct, que Julien doutait presque si ce n’était pas un écho de sa propre pensée ; dites seulement oui, et je pars pour ne jamais revenir ! »

Dans les circonstances désespérées, on recourt à des remèdes étranges et inaccoutumés ; et quoiqu’il fût incapable de calculer alors les chances favorables que cette singulière correspondance