Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/463

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d’être le plus hardi et le plus dangereux intrigant de l’époque, le duc jugeait convenable de s’environner de tous ces décombres, où les officiers de justice ne pouvaient pénétrer sans difficulté ni sans risque, et qui pouvaient fournir, dans l’occasion, un asile sûr et secret aux agents qu’il employait à des entreprises désespérées, et un moyen d’arriver chez lui, sans être aperçus ni observés, à ceux qu’il avait des raisons particulières de ne recevoir que secrètement.

Laissant Peveril à la Tour, nous allons faire assister encore une fois nos lecteurs au lever du duc, qui, le matin de la translation de Julien dans cette forteresse, parlait ainsi à son premier ministre, à son confident intime : « Je suis tellement satisfait de votre conduite dans cette affaire, Jerningham, que, si le vieux Nick m’apparaissait en ce moment et me proposait le meilleur de ses diables pour agent à votre place, je ne lui aurais pas grande reconnaissance de la proposition. — Une légion de diables, » dit Jerningham en s’inclinant, « n’aurait pas pu être plus occupée que moi du service de Votre Grâce. Mais, si Votre Grâce veut bien me permettre de parler ainsi, peu s’en est fallu que tout votre plan n’échouât, parce que vous n’êtes revenu que cette nuit, ou plutôt ce matin. — Et pourquoi, je vous prie, sage maître Jerningham, serais-je revenu chez moi un instant plus tôt que ne l’exigeaient ma convenance et mon plaisir ? — Mais, milord, je n’en sais rien : seulement, lorsque vous nous envoyâtes par Empson, à la porte de Chiffinch, l’ordre de nous emparer, à tout prix et à tout risque, de la jeune personne, vous disiez que vous seriez ici aussitôt que vous pourriez vous débarrasser du roi. — Me débarrasser du roi, misérable ! qu’est-ce qu’une pareille manière de parler ? — C’est Empson qui s’en est servi, milord, comme venant de Votre Grâce. — Il y a bien des choses que Ma Grâce peut dire, mais qu’il ne convient pas à des bouches comme les vôtres de répéter, » répliqua le duc avec hauteur ; mais aussitôt il reprit le ton de la familiarité, car son humeur était aussi capricieuse que ses goûts. « Mais je comprends où tu en veux venir : d’abord, intelligent comme tu l’es, tu aurais dû savoir ce que j’étais devenu depuis que je t’avais envoyé mes ordres de chez Chiffinch ; et ensuite ta valeur voudrait sonner une nouvelle fanfare pour ton habile retraite, lorsque tu laissas ton camarade entre les mains des Philistins. — Votre Grâce considérera, s’il lui plaît, que je n’ai battu en retraite que pour conserver le