Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/485

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première fois ils frappèrent ses regards chez la Chiffinch. — Alors j’en conclus, milord, que vous avez été absent et que vous n’avez pris aucune part à la contrainte qu’on a exercée envers moi ? — Absent par ordre du roi, ma belle, et occupé à remplir mes devoirs, » répondit Buckingham sans hésitation. « Que pouvais-je faire ? À l’instant où vous quittiez la maison de Chiffinch, Sa Majesté m’ordonna de monter à cheval, et si promptement que je n’eus pas le temps de changer mes brodequins de satin pour des bottes de voyage. Si mon absence vous a causé quelque désagrément, blâmez-en le zèle inconsidéré de ceux qui, me voyant partir de Londres, presque anéanti à l’idée que je me séparais de vous, maladroits sans doute, mais bien intentionnés, voulurent contribuer de leurs efforts à sauver leur maître du désespoir, en retenant du moins la belle Alice dans cet hôtel. À qui, en effet, vous auraient-ils confiée ? Celui que vous aviez choisi pour protecteur est en prison, ou en fuite ; votre père ne se trouve pas à Londres, et votre oncle est parti pour le Nord. On connaissait votre juste aversion pour la maison de Chiffinch : quel asile plus convenable vous restait-il, que le palais de votre très-soumis esclave, où vous commanderez toujours en reine ? — En reine emprisonnée. Je ne désire pas une royauté pareille. — Hélas ! comme vous feignez de ne pas me comprendre ! » dit le duc mettant un genou en terre ; « et quel droit avez-vous de vous plaindre de quelques heures d’une douce captivité, vous qui destinez tant de malheureux à un éternel esclavage ? Soyez miséricordieuse une fois, et écartez ce voile jaloux ; car ce sont toujours les plus cruelles divinités qui rendent leurs oracles dans de ténébreuses retraites. Souffrez au moins que ma main téméraire… — J’épargnerai à Votre Grâce cette peine indigne d’elle, « interrompit la jeune personne avec hauteur, et se levant, elle jeta derrière ses épaules le voile qui la couvrait, en disant : « Regardez-moi, milord duc, et voyez si ce sont bien là les charmes qui ont produit sur Votre Grâce une impression si puissante. »

Buckingham regarda, et fut tellement frappé de surprise, qu’il se releva brusquement et demeura quelques secondes comme pétrifié. La femme qui se tenait debout devant lui n’avait ni la taille ni la séduisante tournure d’Alice Bridgenorth ; et quoique parfaitement bien faite, elle était si mince et si petite, qu’elle ressemblait presque à un enfant. Ses vêtements consistaient en trois ou quatre vestes de satin, disposées l’une sur l’autre, richement bro-