Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/487

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solitude à laquelle votre éloignement la condamnait. Elle se désola inutilement pendant deux jours ; le troisième, une enchanteresse africaine vint changer la scène pour elle, et la personne pour Votre Grâce. Il me semble, milord, que cette aventure ne vous fera guère d’honneur, quand quelque troubadour fidèle célébrera les galants exploits du second duc de Buckingham. — Mordu jusqu’au sang et bafoué par-dessus le marché ! s’écria le duc ; la drôlesse a des dispositions pour la satire, de par tout ce qui est piquant ? Mais écoutez-moi, belle comtesse, comment avez-vous osé être complice d’un tour semblable ? — Osé, milord ! faites cette question à d’autres, et non à une femme qui ne craint rien. — En vérité, je le crois, car ton front est bronzé par la nature. Mais écoutez-moi encore, mademoiselle : quel est votre nom ? quelle est votre condition ? — Ma condition ? Je vous l’ai déjà dit : je suis sorcière de profession, enfant de la Mauritanie ; et je me nomme Zarah. — Mais il me semble que cette figure, cette taille, ces yeux… Ne vous-êtes-vous donc pas déjà fait passer pour une fée danseuse ? Vous étiez quelque chose comme cela, il y a quelques jours. — Vous pouvez avoir vu ma sœur, ma sœur jumelle, mais non moi, milord. — Vraiment ! Alors votre double, si ce n’était pas vous, était possédée d’un démon muet, comme vous l’êtes d’un démon bavard. J’ai encore dans l’idée que vous ne faites qu’un avec elle, et que Satan, toujours si puissant sur votre sexe, vous a donné, lors de notre première rencontre, la puissance de retenir votre langue. — Croyez ce que bon vous semblera, milord, votre croyance ne changera rien à la vérité. Et maintenant, milord, je vais vous dire adieu. Avez-vous des commissions pour la Mauritanie ? — Attendez un peu, ma princesse, et rappelez-vous que vous êtes venue ici occuper volontairement la place d’une autre ; qu’ainsi vous avez encouru telle peine qu’il me plaira de vous infliger. Personne ne peut braver impunément Buckingham. — Je ne suis nullement pressée de partir, si Votre Grâce a des ordres à me donner. — Eh quoi ! vous n’êtes effrayée ni de mon ressentiment ni de mon amour, belle Zarah ? — Ni de l’un ni de l’autre. Par ce gant ! il faudrait que votre ressentiment fût une passion bien petite, pour qu’il tombât sur un être aussi faible que moi ; et quant à votre amour, ô mon Dieu ! mon Dieu ! — Et pourquoi ces ô mon Dieu ? pourquoi cet air de dédain ? petite ; croyez-vous que Buckingham ne puisse aimer, et qu’il n’ait jamais obtenu de retour ? — Il a pu se croire aimé, mais par quel-