Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/493

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à la campagne vous rendent excessivement maussade. Vos bottes ont quelque chose de grossier, et vos manchettes de mousseline, chiffonnées comme les voilà, donnent à vos poignets une sorte de rusticité campagnarde, je puis bien le dire. — Je ne ferais pas mal, en vérité, murmura Chiffinch, d’employer mes bottes et mes poignets à te guérir de ton affectation. » Parlant ensuite à haute voix, il ajouta, comme un homme qui veut couper court à la dispute en obligeant son adversaire à convenir que la raison n’est pas de son côté : « Je suis sûr, Cate, que vous êtes convaincue que toutes nos espérances reposent sur le roi ? — Là-dessus, rapportez-vous-en à moi, dit-elle ; je sais mieux comment plaire au roi que vous ne pourriez me l’apprendre. Croyez-vous Sa Majesté assez folle pour pleurer comme un écolier, parce que son oiseau s’est envolé ? Le roi a meilleur goût. Je suis surprise, » ajouta-t-elle, en se regardant dans la glace, « que vous, Chiffinch, qui passez pour un connaisseur en beauté, vous ayez fait tant de bruit de cette petite fille de province. Elle n’a pas même le mérite campagnard d’être grasse comme une volaille de basse-cour ; elle est maigre comme une mauviette de Dunstable, dont on croque la chair et les os d’une seule bouchée. Qu’importe d’où elle vient et où elle va ? Il en reste qui sont plus dignes que Sa Majesté daigne les honorer de son attention ; même lorsque la duchesse de Portsmouth prend ses grands airs. — Vous voulez parler de notre voisine mistress Nelly, répondit son digne associé ; mais, Cate, elle date d’un peu loin. Elle a de l’esprit, mais un esprit propre seulement à la faire briller dans la mauvaise compagnie : l’ignoble jargon d’une troupe de comédiens n’est pas un langage convenable pour la chambre d’un prince. — Ce n’est là ni la personne ni la chose dont je parle, répondit mistress Chiffinch ; mais je vous assure, Tom Chiffinch, que vous trouverez votre maître consolé de la perte de ce rare échantillon d’orgueil et de puritanisme dont vous vouliez l’embâter. Le brave homme, il a bien assez de puritains dans le parlement, sans que vous les conduisiez encore jusque dans sa chambre à coucher. — Assez, Cate : quand un homme aurait toute la prudence des sept Sages, une femme seule aurait assez de folie pour le réduire au silence. Je ne dirai donc plus un mot là-dessus ; mais je souhaite de trouver le roi d’aussi bonne humeur que vous le dites. J’ai reçu l’ordre de descendre la Tamise avec lui, et de l’accompagner à la Tour, où il doit faire une inspection d’armes et de munitions. Ce sont de fins