Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/526

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de son sexe. Mais celui qui l’avait choisie s’était trompé sur son caractère. — Dites plutôt que c’est vous-même qui vous êtes trompé sur celui de votre agent. Rappelez-vous qu’en nous séparant à Moultrassie-House, je vous ai prévenu que ce Ganlesse… qui… — Je vous entends : vous aviez grandement raison de m’en parler comme d’un homme sage à la manière du monde. Mais il a expié sa faute en tirant Alice des périls qui l’avaient assaillie après s’être séparée de vous ; et d’ailleurs je n’ai pas jugé convenable de lui confier une seconde fois ce que j’ai de plus cher. — Je rends grâce au ciel que vos yeux soient en partie ouverts. — Ce jour les ouvrira tout à fait ou les fermera pour jamais. »

Durant ce dialogue, dont les paroles furent échangées entre les deux interlocuteurs avec rapidité, sans songer que d’autres personnes étaient présentes, sir Geoffrey écoutait avec surprise et intérêt, cherchant à saisir quelque chose qui le lui rendît intelligible ; mais voyant qu’il ne réussissait nullement à comprendre ce dont il s’agissait, il s’écria tout à coup : Sang et tonnerre ! Julien, que signifie tout ce babillage ? Qu’as-tu à faire avec ce drôle, sinon de le bâtonner, à moins que tu ne croies qu’il serait indigne de toi de battre un maraud si vieux ? — Mon père, dit Julien, vous ne connaissez pas M. Bridgenorth, car je suis certain qu’autrement vous lui rendriez justice. Je lui ai de nombreuses obligations ; et je suis sûr que, quand vous viendrez à les connaître… — J’espère mourir avant ce moment arrivé, » répliqua sir Geoffrey ; et continuant avec une rage toujours croissante : « J’espère, dit-il, qu’avec la protection du ciel je serai dans le tombeau de mes ancêtres avant d’apprendre que mon fils, mon fils unique, la dernière espérance de mon ancienne maison, le dernier reste du nom de Peveril, a consenti à recevoir des services de l’homme que sur la terre je suis le plus forcé de haïr, si je n’étais pas encore plus forcé de le mépriser. Enfant dégénéré ! » répéta-t-il avec la dernière véhémence, « vous rougissez sans répondre ! Parlez, et désavouez une telle bassesse, ou, par le Dieu de mes pères !… »

Le nain s’avança tout à coup, et s’écria : « Silence ! » d’une voix en même temps si discordante et si impérieuse, qu’elle parut surnaturelle ; « homme de péché et d’orgueil, reprit-il, silence ! ne prends pas le saint nom de Dieu à témoin de ton impie ressentiment. »

Ce reproche adressé d’un ton si ferme et si décidé, et l’enthou-