Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/527

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siasme avec lequel il parlait, donnèrent pour le moment au nain méprisé un ascendant manifeste sur le fier esprit de son gigantesque homonyme. Sir Geoffrey Peveril le regarda un instant d’un air étonné et timide, comme il aurait regardé une apparition surnaturelle, puis murmura : « Mais connaissez-vous la cause de mon ressentiment ? — Non, répondit le nain, non ; je sais seulement qu’aucune cause ne peut justifier le serment que vous alliez faire. Homme ingrat ! vous avez été aujourd’hui soustrait à la colère dévorante des méchants par un concours merveilleux de circonstances. Et c’est aujourd’hui que vous osez vous livrer à de tels ressentiments. — Je reçois un juste reproche, dit sir Geoffrey Peveril, et par l’intermédiaire d’un être singulier ; la sauterelle, comme dit le livre de prières, est devenue un fardeau pour moi. Julien, je vous reparlerai sur ce sujet un autre jour ; quant à vous, monsieur Bridgenorth, je désire ne plus avoir d’autre communication avec vous, ni pacifique ni hostile. Le temps passe vite, et je voudrais seulement retourner dans ma famille. Faites-nous rendre nos armes, ouvrez-nous les portes, et laissez-nous partir, sans de nouvelles altercations qui ne pourraient que nous troubler l’esprit et aigrir notre colère. — Sir Geoffrey Peveril, dit Bridgenorth, je ne désire troubler ni votre esprit ni le mien ; mais quant à vous laisser partir si promptement, c’est chose un peu difficile, car votre départ ne saurait s’accorder avec l’œuvre que j’ai en main. — Comment, monsieur ! s’écria le nain, voulez-vous faire entendre que nous devrons rester ici bon gré mal gré ? Si je n’étais tenu d’y demeurer par ordre d’un être qui a plein droit de commander à ce pauvre microcosme, je vous montrerais que serrures et verrous ne sauraient retenir un homme tel que moi… — En effets dit sir Geoffrey, je pense qu’au besoin le petit homme pourrait s’évader par le trou de la serrure. »

La figure de Bridgenorth s’épanouit presque jusqu’à un sourire aux paroles fanfaronnes du héros pygmée et au commentaire méprisant de sir Geoffrey Peveril ; mais une telle expression ne demeurait jamais deux minutes de suite sur sa physionomie, et il répondit en ces termes : « Messieurs, il faut vous résigner. Croyez-moi, on ne veut vous faire aucun mal ; au contraire, en restant ici vous assurerez votre salut qui autrement pourrait courir de grands dangers. Ce sera votre faute si vous perdez un seul cheveu de votre tête. Mais j’ai la force pour moi ; et quelque chose qui vous puisse arriver, si pour vous y soustraire vous tentez de