Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/547

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triomphe, « de négliger entièrement les intérêts de mes amis ? Vous voyez la péril auquel je m’expose, et même à quel point je compromets le repos public pour secourir un homme que j’ai à peine vu depuis vingt ans, sauf le jour où il est venu, avec son habit de buffle et sa bandoulière, me baiser les mains, comme tant d’autres officiers, lors de la restauration. On dit que les rois ont les mains longues ; je crois qu’ils n’ont pas moins besoin d’une longue mémoire, puisqu’on prétend qu’ils doivent découvrir et récompenser tout Anglais qui n’a montré sa bonne volonté qu’en criant vive le roi ! — Oh ! les drôles sont encore plus déraisonnables, lui répliqua Sedley ; car il n’est pas un de ces coquins qui ne croie avoir droit à la protection de Votre Majesté, même quand il a une bonne cause, qu’il ait ou non crié vive le roi ! »

Le monarque sourit, et se dirigea vers un autre côté du splendide salon, où était réuni tout ce qui pouvait, d’après le goût de l’époque, faire passer agréablement le temps.

À l’une des extrémités, un groupe de jeunes et des plus jolies femmes de la cour écoutait une ancienne connaissance du lecteur, lequel accompagnait, avec son talent sans égal sur la flûte, une jeune sirène, qui, le cœur palpitant d’orgueil et de crainte, chantait en présence de cet auditoire imposant le bel air qui commence ainsi :

Je suis trop jeune et trop novice encore
Pour qu’un amant me courtise et m’adore.

Elle s’acquittait de sa tâche d’une façon qui était si bien d’accord avec les vers du poète érotique et l’air voluptueux qui avait été adapté à ces paroles par le célèbre Purcel, que les hommes se pressaient autour d’elle comme en extase, tandis que la plupart des dames jugeaient convenable ou de paraître absolument indifférentes aux paroles qu’elle chantait, ou de se retirer du cercle avec le moins de bruit possible. Au chant succéda un concerto, exécuté par l’élite des meilleurs musiciens, et que le roi, dont le goût était incontestable, avait choisi lui-même.

Autour de plusieurs tables, dans le même appartement, les courtisans plus âgés sacrifiaient à la fortune, jouant aux différents jeux alors à la mode, tels que l’hombre, le quadrille, le hasard, etc. ; tandis que des monceaux d’or, placés devant les joueurs, augmentaient ou diminuaient, suivant les chances qu’amenaient les cartes et les dés. On aventurait souvent d’un seul coup plusieurs années du revenu d’un beau domaine ; argent qui eût été