Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/565

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compenser une autre ? Non, non : il me faut une autre réparation. Soyez sûr que je vous fais sauter la cervelle avant que vous descendiez de voiture, si vous ne me dites la vérité sur ce message de la cour. »

Comme Chiffinch hésitait sur la réponse qu’il devait faire, un homme qui, à la lueur des torches que portaient toujours alors les laquais placés derrière la voiture et les valets de pied courant à la portière, pouvait distinguer aisément les personnes assises dans la voiture, s’approcha, et chanta d’une voix forte le refrain d’une vieille chanson française, sur la bataille de Marignan, dans lequel on imitait le français moitié allemand des Suisses, qui avaient été battus.

Tout est verlore[1],
La tinrelore ;
Tout est verlore,

Boi Got[2].

« Je suis trahi, » dit le duc, qui pensa tout de suite que ce refrain, signifiant tout est perdu, était chanté par quelqu’un de ses fidèles agents, pour lui faire entendre que leur complot était découvert.

Il essaya de s’élancer de la voiture, mais Chiffinch le retint d’une main ferme, quoique avec respect. « Ne vous perdez pas, milord, » dit-il avec un ton d’humilité. « Ma voiture est entourée de soldats et d’officiers de paix chargés d’assurer votre arrivée à White-Hall, et de s’opposer à toute tentative d’évasion. Y avoir recours, ce serait avouer que vous êtes coupable, et je vous conseille fortement de n’en rien faire. Le roi est votre ami ; soyez aussi le vôtre. — Vous avez raison, » dit le duc d’un air sombre après un moment de réflexion ; « oui, je crois que vous avez raison. Pourquoi fuirais-je ? je ne suis coupable de rien, si ce n’est d’avoir envoyé, pour amuser la cour, de quoi faire un feu d’artifice, au lieu d’un concert de musique. — Et le nain qui est sorti si inopinément de la caisse du violoncelle ? — C’était le fruit de mon imagination, Chiffinch, » répondit le duc, quoique cette circonstance lui fût encore inconnue. « Mais, Chiffinch, vous me rendrez un service que je n’oublierai jamais, si vous me permettez d’avoir une minute de conversation avec Christian. — Avec Christian, milord ! où le trouverez-vous ? Vous savez qu’il faut

  1. Altération de l’allemand verloren, qui signifie perdu. a. m.
  2. Par Dieu. a. m.