Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/594

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vaisseau n’ait mis à la voile. S’il ose remettre les pieds sur le sol de la Grande-Bretagne, ce sera à ses risques et périls. Plût à Dieu que nous fussions ainsi débarrassés de tous les hommes aussi dangereux que lui ! Je désirerais également, » ajouta-t-il après avoir réfléchi un moment, « que toutes nos intrigues politiques et toutes nos alarmes insensées pussent se terminer aussi paisiblement que cette affaire. Voilà une conspiration qui n’a pas coûté une goutte de sang, et tous les éléments d’un roman, mais sans la conclusion ordinaire. Nous avons ici la princesse errante d’une île (pardonnez-moi, comtesse de Derby), un nain, une magicienne mauresque, un scélérat endurci, un homme de qualité repentant, et cependant le tout fini sans potence ni mariage. — Pas tout à fait sans ce dernier point, » dit la comtesse qui avait eu occasion de causer en particulier avec Julien pendant la soirée ; « il y a un certain major Bridgenorth qui aurait attendu la conclusion de cette affaire si elle eût été poursuivie ; mais Votre Majesté abandonnant toute recherche ultérieure, il a le dessein, comme nous en sommes instruite, de quitter l’Angleterre pour toujours. Or ce Bridgenorth a légalement acquis les anciens domaines de Peveril, qu’il désire restituer à leur famille, en y joignant quantité de belles et bonnes terres, à condition que notre jeune Julien les recevra comme dot de sa fille et héritière unique. — Par ma foi, dit le roi, il faut qu’elle soit bien disgraciée par la nature, si Julien se fait presser pour l’accepter à de si belles conditions. — Ils s’aiment comme des amants du siècle dernier, dit la comtesse ; mais le vieux et brave chevalier ne goûte pas une alliance avec une tête-ronde. — Notre recommandation y pourvoira, dit le roi ; sir Geoffrey Peveril, qui a tant souffert en mainte occasion pour obéir à nos ordres, ne refusera pas aujourd’hui d’obtempérer à nos avis, quand ils auront pour but de le dédommager de toutes ses pertes. »

On peut supposer que le roi ne parlait pas ainsi sans être bien convaincu de l’ascendant illimité qu’il avait sur l’esprit du vieux tory : car trois ou quatre semaines après, les cloches de Martindale-Moultrassie sonnaient à toute volée pour célébrer l’union des deux familles aux domaines desquelles il devait son double nom ; et le fanal du château s’éleva dans les airs, éclairant les collines et les vallées, et appelant à la joie tout ce qui se trouvait à vingt milles à la ronde.


fin de peveril du pic.