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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/593

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L’infortunée le regarda, frappée de stupeur. « Vous disiez, » bégaya-t-elle enfin, « que j’étais la fille de votre frère, mort assassiné. — C’était pour que tu acceptasses avec moins de répugnance le rôle que je te destinais dans mes projets de vengeance, et aussi pour cacher ce que les hommes appellent l’opprobre de ta naissance. Mais tu es ma fille ! et tu dois au climat de l’Orient, où ta mère est née, ces passions impétueuses que je m’efforçais de faire servir à mes desseins, mais qui, ayant pris un autre cours, ont fini par causer la ruine de ton père. La Tour est le lot que l’on me réserve, je suppose ? »

Il prononça ces paroles d’un grand sang-froid, et parut à peine remarquer la douleur extrême de sa fille, qui, s’étant jetée à ses pieds, pleurait et sanglotait amèrement. — Cela ne sera pas, » dit le roi touché de compassion à cette scène de douleur. « Si vous consentez, Christian, à quitter ce pays, il y a sur la Tamise un vaisseau prêt à faire voile pour la Nouvelle-Angleterre : allez ! portez dans d’autres pays vos noires intrigues. — Je pourrais appeler de cette sentence, » dit hardiment Christian ; « et si je m’y soumets, c’est que je le veux bien. Il ne m’eût fallu qu’une demi-heure pour m’acquitter envers cette femme orgueilleuse de tout ce que je lui dois ; mais la fortune a refusé de me seconder. Lève-toi, Zarah ! plus de Fenella ! Dis à la comtesse de Derby que si la fille d’Édouard Christian, la nièce de la victime qu’elle a assassinée, s’est trouvée chez elle dans un état de domesticité, ce n’était que pour accomplir des projets de vengeance, malheureusement déjoués ! Tu vois ta folie maintenant : tu voulais suivre ce jeune homme qui ne t’a payée que d’ingratitude, oublier toute autre pensée pour obtenir de lui un regard ; et maintenant te voilà proscrite, abandonnée, moquée, insultée par ceux que tu aurais pu fouler à tes pieds si tu t’étais conduite moins imprudemment ! Mais viens, tu es encore ma fille : il est d’autres cieux que celui qui couvre la Grande-Bretagne. — Arrêtez, dit le roi ; il faut que nous sachions par quels moyens cette jeune fille s’est introduite auprès de ceux que renfermaient nos prisons. — Cette question, sire, doit être adressée à votre geôlier très protestant, et aux pairs zélés protestants aussi, qui, pour obtenir une connaissance exacte des secrets de la conspiration papiste, ont inventé ces ingénieuses ouvertures qui permettent de visiter les prisonniers dans leurs cellules de nuit ou de jour. Sa Grâce, le duc de Buckingham, peut aider Votre Majesté, si vous êtes disposé à faire une enquête. — Christian, dit le duc, tu es le plus effronté coquin qui ait jamais vécu. — Parmi ceux qui n’ont pas le rang de pair, cela se peut, » répondit Christian ; et il sortit en emmenant sa fille.

« Suivez-le, Selby, dit le roi ; ne le perdez pas de vue que le