Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/72

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donner lui-même l’assurance que la fête de la veille s’était passée de la manière la plus agréable à tous égards pour ses amis, et sans aucune des suites alarmantes que l’on avait pu redouter de la rencontre des deux partis. Mais lorsqu’on se rappelle les craintes douloureuses qui l’avaient tourmenté pendant si long-temps pour la santé et même la vie de son enfant, craintes trop bien justifiées par le triste sort de ceux qu’il avait déjà perdus, on ne trouvera pas étonnant que les cris d’Alice lui eussent fait violer les règles de forme et d’étiquette en pénétrant dans l’intérieur de la maison et dans un appartement qui jusque-là lui avait été interdit.

Il se précipita donc dans la chambre dorée par une petite porte pratiquée dans un étroit passage qui servait de communication entre la grande salle et cet appartement, et saisissant l’enfant dans ses bras, il s’efforça par ses caresses d’apaiser ses cris, qui n’en devinrent que plus perçants lorsqu’elle se vit dans les bras d’un homme dont la voix et l’extérieur lui étaient totalement étrangers, car elle ne l’avait entrevu qu’un instant.

Les cris redoublés d’Alice furent secondés par ceux de Julien, qui à l’aspect d’un homme ne songea plus à employer d’autre moyen de défense que celui d’appeler au secours de toute la force de ses poumons.

Alarmée de son côté par ces cris, lady Peveril, dont l’appartement communiquait avec la chambre dorée par une petite porte secrète attenant à son cabinet de toilette, parut à son tour sur la scène. Dès qu’elle se montra, la petite Alice, s’échappant des bras de son père, courut vers sa protectrice, et lorsqu’elle eut une fois saisi le pan de sa robe, non seulement elle se tut, mais elle tourna vers l’étrangère ses grands yeux bleus, qui étaient encore brillants de larmes, et la regarda avec un air de surprise plutôt que d’effroi. Quant à Julien, redressant sa baguette, dont il ne s’était point séparé durant toute cette alarme, il se rangea à côté de sa mère, comme s’il eût été prêt à la défendre dans le cas où la présence de l’inconnue l’exposerait à quelque danger.

Dans le fait, quelqu’un de plus âgé que lui aurait été étonné et inquiet de l’air interdit et confus avec lequel lady Peveril considérait l’étrangère qui la visitait d’une manière si inattendue. On eût dit qu’elle cherchait à reconnaître dans ses traits encore beaux, quoique altérés, une personne qu’elle avait connue dans des circonstances bien différentes.

L’inconnue parut comprendre le motif de son embarras et de