Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/73

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son incertitude, car elle lui dit avec un accent pénétrant qui semblait partir du cœur.

« Le temps et le malheur m’ont bien changée, c’est ce que tous les miroirs me disent ; je croyais pourtant que Marguerite Stanley ne pouvait manquer de reconnaître Charlotte de la Trémouille. »

Il était peu dans le caractère et les habitudes de lady Peveril de s’abandonner à une émotion soudaine ; mais dans ce moment elle ne put résister à celle qu’elle éprouvait, et tombant sur ses genoux dans une sorte d’exaltation mêlée de joie et de douleur, elle embrassa ceux de l’étrangère, et s’écria d’une voix entrecoupée :

« Ma bonne, ma noble bienfaitrice ! la comtesse de Derby ! la souveraine de l’île de Man ! comment ai-je pu méconnaître un seul instant votre voix et vos traits ? Oh ! pardonnez-moi ! pardonnez-moi ! »

La comtesse releva la parente de son mari avec toute la grâce d’une femme accoutumée dès sa naissance à recevoir des hommages et à accorder sa protection. Elle baisa le front de lady Peveril et lui passa la main sur le visage d’une manière caressante.

« Vous êtes changée aussi, ma belle cousine, lui dit-elle, mais ce changement vous sied : la timide et jolie fille a fait place à la femme gracieuse et pleine de dignité. Mais ma mémoire, qui était bonne autrefois, me trompe étrangement, si je vois en monsieur sir Geoffrey Peveril. — Non, madame, ce n’est qu’un aimable et bon voisin, répondit lady Peveril ; sir Geoffrey est à la cour. — C’est ce que j’avais entendu dire, reprit la comtesse de Derby, lorsque j’arrivai hier au soir. — Comment, reprit lady Peveril, êtes-vous entrée au château de Martindale, dans la maison de Marguerite Stanley, où vous avez tant de droits de commander, sans lui faire annoncer votre présence ? — Oh ! je sais que vous êtes une sujette respectueuse, Marguerite, reprit la comtesse, bien que ce caractère soit rare aujourd’hui ; mais vous savez que notre bon plaisir est de voyager incognito, » ajouta-t-elle en souriant, « et en apprenant que vous donniez l’hospitalité à une nombreuse compagnie, nous n’avons pas voulu vous troubler par notre royale présence. — Mais où, et comment êtes-vous logée ? madame, dit lady Peveril, et pourquoi avez-vous gardé le secret sur une visite qui aurait singulièrement augmenté le bonheur des fidèles serviteurs qui se réjouissaient ici hier ? — Ellesmère, vo-