Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

répondit le petit garçon en fixant sur elle un regard assuré.

« Vraiment ! dit-elle, il a pour notre faible sexe tout le mépris du sien ; mépris qui naît avec ces titres insolents et despotiques et qui se montre dès qu’ils ont à peine quitté la jaquette. Est-ce qu’Ellesmère ne vous a jamais parlé de Latham-House et de Charlotte de Derby, mon petit seigneur ? — Mille et mille fois, » répondit l’enfant en rougissant ! « elle m’a raconté aussi comment la reine de l’île de Man l’a défendue pendant six semaines contre trois mille têtes-rondes, commandées par Rogue Harrison, le boucher. — C’est ta mère qui a défendu Latham-House, et non pas moi, mon petit soldat, reprit la comtesse ; mais si tu avais été là, tu aurais été le meilleur capitaine des trois. — Ne dites pas cela, madame, interrompit l’enfant ; maman ne toucherait pas un fusil pour tout l’univers. — Vous dites vrai, Julien, répondit sa mère ; j’étais en effet à Latham-House, mais je ne formais qu’une partie bien inutile de la garnison. — Vous oubliez, dit la comtesse, que vous gardiez les malades de notre ambulance, et que vous faisiez de la charpie pour leurs blessures. — Mais papa n’arriva-t-il pas à votre secours ? demanda l’enfant. — Oui, répondit la comtesse, votre papa vint enfin, et le prince Rupert aussi ; mais ce ne fut, je crois, qu’après s’être fait longtemps désirer. Vous souvenez-nous, Marguerite, de cette matinée où ces coquins de têtes-rondes, qui nous tenaient assiégés depuis si long-temps, se retirèrent sans prendre le temps de plier bagage, dès qu’ils virent flotter sur le haut de la montagne l’étendard du prince ? Rappelez-vous que vous preniez chaque chef portant un casque à panache pour Peveril du Pic, qui avait été, trois mois auparavant, votre partenaire à un bal masqué chez la reine. Ne rougissez pas de ce souvenir, Marguerite : c’était un amour innocent et pur que celui-là ; et quoique le son des trompettes guerrières fût la seule musique qui vous accompagnât dans la vieille chapelle que les boulets ennemis avaient presque entièrement ruinée, quoique le prince Rupert, en vous donnant la main pour vous conduire à l’autel, portât sa bandoulière et eût des pistolets à sa ceinture, j’ose me flatter que tous ces signes belliqueux n’ont pas été d’un funeste augure pour votre bonheur conjugal. — Le ciel m’a traitée avec faveur, en me donnant un si bon mari, répondit lady Peveril. — Et en vous le conservant, » ajouta la comtesse avec un profond soupir ; « tandis que le mien… hélas ! il a scellé de son sang son dévouement pour son roi. Oh !