Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/76

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s’il avait assez vécu pour voir ce jour ! — Que le ciel ne l’a-t-il permis ! dit lady Peveril. Combien ce brave et noble comte se fût réjoui de la fin inespérée de notre captivité ! »

La comtesse regarda lady Peveril d’un air de surprise.

« Tu n’as donc pas entendu parler, cousine, de la situation actuelle de notre maison ? Oh ! combien mon noble époux aurait été surpris s’il avait pu apprendre que ce même monarque pour qui il a sacrifié sa vie sur l’échafaud, à Bolton-le-Moore, marquerait les premiers moments de son règne par la destruction totale de notre fortune, presque épuisée déjà pour sa cause, et persécuterait la veuve d’un fidèle partisan ! — Vous m’étonnez, madame ; il est impossible que vous, la femme de ce brave, de ce fidèle comte, mort assassiné ; vous, la comtesse de Derby et la souveraine de l’île de Man ; vous, qui avez montré le caractère d’un guerrier et une énergie mâle, là où tant d’autres femmes n’auraient montré que la faiblesse de leur sexe ; il est impossible, dis-je, que vous ne recueilliez que des malheurs de ce même événement qui a satisfait, qui a comblé les espérances de tous les fidèles sujets du roi : cela ne saurait être ! — Je vois que tu es aussi peu avancée qu’autrefois dans la connaissance du monde, ma belle cousine, répondit la comtesse. Cette restauration, qui est an motif de sécurité pour tant d’autres, est une source de dangers pour moi ; ce changement, si favorable pour les royalistes qui n’ont pu être plus dévoués que moi, j’ose le dire, est cause que je suis ici en fugitive, réduite à me cacher, et à vous demander retraite et assistance. — À moi ! s’écria lady Peveril ; à moi, dont l’enfance dut protection à votre bonté ! à moi, la femme de Peveril, compagnon d’armes de votre noble époux ! Vous avez droit de commander ici, madame ; mais, hélas ! serait-il vrai que vous eussiez besoin des faibles secours que je puis vous donner ? Pardon, mais une telle pensée est comme une de ces visions de mauvais augure que le sommeil offre à l’imagination, et je vous écoute avec l’espérance d’être soulagée de son impression pénible, et de sortir de ce rêve fatigant. — C’est véritablement un rêve, une vision, dit la comtesse de Derby ; cependant il n’est pas besoin de devin pour en trouver le sens ; l’explication en a été donnée depuis long-temps : gardez-vous de placer votre confiance dans les princes. Mais je puis faire cesser votre surprise. Ce gentilhomme, votre ami, est sans doute honnête ? »

Lady Peveril savait que les cavaliers, à l’exemple de toutes les