Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/103

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faire regarder comme complices d’un acte aussi téméraire. Le corps n’étant point soutenu tomba lourdement sur la terre, et Quentin, descendant précipitamment de l’arbre, eut la douleur de voir que les dernières étincelles de la vie étaient éteintes. Il n’abandonna cependant pas son charitable dessein sans faire de nouveaux efforts : il débarrassa le cou du malheureux du nœud fatal, déboutonna son pourpoint, lui jeta de l’eau sur le visage ; enfin il employa tous les moyens auxquels on a ordinairement recours pour rappeler les fonctions suspendues de la vie.

Pendant qu’il s’occupait de cet acte d’humanité, des clameurs sauvages, proférées dans une langue qu’il ne connaissait point, s’élevèrent autour de lui, et à peine avait-il eu le temps de voir qu’il était environné d’hommes et de femmes d’une apparence singulière et étrangère, qu’il se sentit saisir rudement par les deux bras, et qu’on lui mit un couteau sur la gorge.

« Pâle esclave d’Eblis ! » s’écria un des hommes en mauvais français, « êtes-vous occupé à voler celui que vous avez assassiné ? Mais nous vous tenons, et vous ne l’échapperez pas. »

Dès que ces paroles furent prononcées, les couteaux brillèrent dans toutes les mains, et les figures horribles et décomposées des hommes qui l’entouraient les faisaient ressembler à des loups qui se précipitent sur leur proie.

Le courage et la présence d’esprit du jeune Écossais ne l’abandonnèrent cependant pas. « Que voulez-vous dire, mes maîtres ? s’écria-t-il. Si ce corps est celui d’un de vos amis, je viens de couper, par pure charité, la corde qui le suspendait, et vous feriez beaucoup mieux de tâcher de le rappeler à la vie que de maltraiter un innocent étranger qui n’avait d’autre but que de le soustraire à la mort. »

Cependant les femmes s’étaient emparées du corps du défunt et continuaient les tentatives que Durward avait faites pour le rappeler à la vie, mais avec aussi peu de succès ; renonçant donc à leurs vains efforts, elles s’abandonnèrent à toutes les démonstrations de douleurs usitées en Orient, et poussant des cris de désespoir et arrachant leurs longs cheveux noirs, tandis que, de leur côté, les hommes déchiraient leurs vêtements et se couvraient la tête de poussière. Leur cérémonie funèbre les occupait tellement, qu’ils ne firent plus aucune attention à Durward, la corde coupée leur ayant prouvé sans aucun doute son innocence. Le parti le plus sage pour lui aurait certainement été de laisser cette race