Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/104

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sauvage s’abandonner à ses usages particuliers, mais il avait été élevé dans un mépris presque absolu du danger, et il éprouvait dans toute sa force la curiosité naturelle à la jeunesse.

Les hommes et les femmes de cette singulière compagnie portaient des turbans et des bonnets qui, en général, avaient plus de ressemblance avec sa toque qu’avec la coiffure alors en usage en France. Plusieurs des hommes avaient la barbe noire et frisée, et tous le teint presque aussi noir que les Africains. Un ou deux, qui paraissaient être leurs chefs, portaient autour de leur cou et à leurs oreilles de petits ornements en argent, et de brillantes écharpes jaunes, écarlates ou vertes ; mais leurs jambes et leurs bras étaient nus, et toute la bande paraissait misérable et malpropre. Durward ne vit aucune arme parmi eux, excepté les longs couteaux avec lesquels ils l’avaient menacé quelques instants auparavant, et un petit sabre à lame recourbée, ou sabre moresque, que portait un jeune homme plein d’activité, lequel mettant souvent la main à la poignée de cet arme, surpassait tout le reste de la troupe dans les expressions extravagantes de sa douleur, qu’il paraissait accompagner de menaces de vengeance.

Ce groupe en désordre, qui se livrait ainsi à ses lamentations, était composé d’êtres si différents de tous ceux que Quentin avait vus jusqu’alors, qu’il était assez porté à les prendre pour une troupe de Sarrasins, de ces chiens de païens, ennemis ordinaires des nobles chevaliers et des monarques chrétiens dans tous les romans dont il avait entendu parler ou qu’il avait lus. Quentin se disposait à s’éloigner d’un voisinage si dangereux, lorsqu’un bruit de chevaux arrivant au galop se fit entendre ; et les prétendus Sarrasins, qui venaient de placer sur leurs épaules le corps de leur camarade, furent tout à coup chargés par une troupe de soldats français.

Cette apparition soudaine changea les lamentations mesurées de deuil en cris irréguliers de terreur. Le corps fut à l’instant jeté à terre, et ceux qui l’entouraient montrèrent autant d’activité que d’adresse pour s’échapper, en passant pour ainsi dire sous le ventre des chevaux et évitant les lances dirigées contre eux par leurs ennemis, qui criaient : « Mort à ces maudits voleurs païens ! Arrêtez-les ? tuez-les !… Enchaînez-les comme des bêtes féroces !… Percez-les de vos lances comme des loups ! »

Ces cris étaient accompagnés d’actes de violence non moins vigoureux ; mais les fugitifs étaient si alertes, et le terrain d’ail-