Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/131

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moges, offraient des contours d’une rare beauté ; et il était tellement infatué de cette idée, que toujours il portait sa soutane de cardinal un peu relevée d’un côté, afin que les robustes proportions de ses membres ne pussent échapper au regard. Revêtu de son costume cramoisi que recouvrait en partie un riche camail, il traversa d’un pas majestueux la salle d’audience, s’arrêtant de temps à autre pour examiner les armes et l’équipement des archers de service, et leur faisant diverses questions d’un ton d’autorité. Il ne craignit pas même d’en censurer quelques-uns sur ce qu’il appelait des irrégularités de discipline, dans des termes auxquels ces vieux guerriers n’osaient répondre, quoiqu’il fût évident qu’ils ne l’écoutaient qu’avec impatience et même avec mépris.

« Le roi sait-il, » demanda Dunois au cardinal, « que l’envoyé bourguignon réclame hautement audience et sans délai ? — Il le sait, répondit le cardinal, et voici, je crois, l’universel Olivier le Dain qui vient nous faire connaître le bon plaisir de Sa Majesté. »

Comme il parlait ainsi, un personnage remarquable, qui à cette époque partageait la faveur de Louis avec l’orgueilleux cardinal, sortit d’un appartement intérieur et entra dans la salle, mais sans cet air d’importance et de fatuité que l’on remarquait chez l’homme d’église plein de lui-même et de sa dignité. C’était un petit homme pâle, maigre, dont le pourpoint et le haut-de-chausses de soie noire, sans manteau ni casaque, étaient peu propres à relever un extérieur fort ordinaire. Il tenait à la main un bassin d’argent ; et une serviette passée sur son bras indiquait la servilité de ses fonctions. Son regard était vif et pénétrant, quoiqu’il s’efforçât d’en dérober l’expression en tenant ses yeux fixés à terre, tandis que traversant l’appartement avec le pas furtif et tranquille d’un chat, il semblait plutôt glisser que marcher. Mais, si la modestie peut couvrir le mérite, elle ne peut cacher la faveur de la cour ; et toute tentative pour sortir de la salle d’audience sans être aperçu, devait être vaine de la part d’un homme aussi connu pour avoir l’oreille du roi, que l’était son célèbre barbier et valet de chambre, Olivier le Dain, quelquefois appelé Olivier le Mauvais, quelquefois aussi Olivier le Diable, épithètes qu’il devait à l’adresse peu scrupuleuse avec laquelle il concourait à l’exécution des plans de la tortueuse politique de son maître.

Olivier parla quelques instants, et avec beaucoup de vivacité,