Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/134

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dans son extérieur ; car Louis, qui méprisait un éclat emprunté, portait en cette occasion un vieil habit de chasse bleu foncé, qui ne valait guère mieux que son habit bourgeois de la veille. Un énorme rosaire en ébène en faisait toute la parure : cet objet lui avait été envoyé par le grand seigneur, avec une attestation faisant foi qu’il avait appartenu à un ermite cophte renommé par sa grande sainteté. Son bonnet ordinaire, orné d’une seule image, était remplacé par un chapeau dont le pourtour était garni d’au moins une douzaine de grossières figures de saints en plomb. Mais ses yeux, qui, suivant la première impression qu’ils avaient faite sur Durward, paraissaient n’étinceler que de l’amour du gain, étaient armés, maintenant qu’il les connaissait pour appartenir à un habile et puissant monarque, d’un regard perçant et majestueux ; les rides de son front, que le jeune Écossais avait cru devoir attribuer à une longue habitude de réfléchir sur de mesquines opérations de commerce, lui paraissaient alors des sillons creusés par le doigt de la sagesse qui médite sur le destin des peuples.

Immédiatement après l’arrivée du roi, les princesses de France, avec les dames de leur suite, entrèrent dans l’appartement. L’aînée, qui dans la suite fut mariée à Pierre de Bourbon, et qui est connue dans l’histoire de France sous le nom de la dame de Beaujeu, n’a que fort peu de rapport avec notre narration. Elle était grande et assez belle, s’exprimait avec éloquence, possédait quelques talents, et avait hérité en grande partie de la sagacité de son père, qui avait une grande confiance en elle, et qui l’aimait peut-être autant qu’il pouvait aimer personne.

Sa sœur cadette, l’infortunée Jeanne, la fiancée du duc d’Orléans, s’avançait timidement à côté de sa sœur, sachant bien qu’elle était totalement dépourvue des qualités extérieures que les femmes désirent le plus de posséder, ou du moins qu’elles aiment qu’on leur suppose. Pâle, maigre, elle paraissait d’une santé délicate ; sa taille était visiblement contournée d’un côté, et sa démarche tellement inégale qu’on pouvait dire qu’elle boitait. De belles dents, des yeux qui exprimaient la mélancolie, la douceur et la résignation, et une profusion de cheveux blonds et bouclés, étaient les seuls dons naturels que la flatterie elle-même aurait osé citer comme rachetant les défauts de son visage et de sa stature. Pour compléter ce portrait, la négligence de sa parure et la timidité de son maintien faisaient voir aisément que cette princesse