Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

quelles il ne se fit aucun scrupule de s’approprier une part beaucoup plus large que celle qui lui revenait de droit ; car il parla de l’assistance de Durward aussi légèrement que le ferait un chasseur qui, en se vantant du nombre de pièces de gibier dont il a rempli sa carnassière, ne fait pas toujours entrer en compte celles qu’il doit à l’adresse et au concours du garde-chasse. Il chargea ensuite Dunois du soin de porter le sanglier aux moines de Saint-Martin de Tours, pour augmenter leur pitance dans les jours de fête, et afin qu’ils se souvinssent du roi dans leurs prières.

« Mais, reprit-il, quelqu’un d’entre vous a-t-il vu le cardinal ? Il me semble que ce serait manquer de courtoisie et montrer peu de respect pour la sainte Église que de l’abandonner, à pied, dans cette forêt. — Avec votre permission, Sire, » dit Quentin voyant que tout le monde gardait le silence, « j’ai vu son Éminence sortir de la forêt, montée sur un cheval qu’on lui avait prêté. — Le ciel n’abandonne jamais ses serviteurs, répliqua le roi. Allons, messieurs, retournons au château, nous ne chasserons pas davantage ce matin… Vous, sire écuyer, donnez-moi mon couteau de chasse ; il est tombé du fourreau là-bas, près du lieu du combat. Allez en avant, Dunois : je vous suis à l’instant. »

Louis, dont les mouvements les moins importants en apparence étaient souvent calculés comme des stratagèmes, se ménagea ainsi l’occasion de questionner Quentin en particulier. « Mon brave Écossais, lui dit-il, tu as des yeux, à ce que je vois. Pourrais-tu me dire qui a donné un cheval au cardinal ? Quelque étranger, je pense, car, comme j’ai passé près de lui sans m’arrêter, il n’est pas probable qu’aucun de mes courtisans se soit empressé de lui rendre ce service. — Je n’ai vu qu’un instant ceux qui étaient près de Son Éminence, Sire, répondit Quentin, car j’avais eu le malheur de tomber de cheval, et je faisais diligence afin d’aller reprendre mon poste ; mais je crois que c’était l’ambassadeur de Bourgogne et ses gens. — Ah ! dit Louis ; en bien ! soit. La France est prête à leur tenir tête. »

Il ne se passa plus rien ce jour-là qui mérite d’être remarqué, et le roi rentra au château avec toute sa suite.