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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/169

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honneur de les admettre à sa table étaient celles en qui il pouvait le mieux placer une confiance sans réserve, et qu’il eût le plus de motifs d’honorer de sa faveur. Ses manières étaient pleines de dignité, et annonçaient même une rare courtoisie. Si tout ce qui l’entourait, et ses vêtements eux-mêmes, étaient beaucoup au-dessous du luxe que les petits princes du royaume déployaient dans leurs banquets, son langage et le ton dont il l’accompagnait étaient ceux d’un puissant monarque dans ses moments de la plus grande condescendance. Quentin fut tenté de croire, ou que la conversation qu’il avait eue précédemment avec Louis était un rêve, ou que la conduite respectueuse du cardinal, l’air franc, ouvert et loyal du noble Bourguignon, avaient complètement dissipé les soupçons de ce prince.

Mais tandis que les convives, par obéissance pour le monarque, prenaient place à sa table, il lança sur eux un coup d’œil rapide et perçant, et dirigea aussitôt un regard vers le poste occupé par Quentin. Ce fut l’affaire d’un instant ; mais ce regard exprima tant de méfiance et de haine envers ses hôtes, et transmit à Quentin une injonction si précise d’être vigilant dans sa surveillance et prompt dans l’exécution, qu’il ne lui resta aucun doute que les sentiments et les craintes de Louis n’avaient ni changé ni diminué. Il fut donc plus étonné que jamais du voile épais sous lequel ce monarque savait cacher les mouvements de sa méfiance naturelle.

Paraissant avoir entièrement oublié le langage que Crèvecœur lui avait tenu en présence de la cour, le roi s’entretint avec lui des temps anciens, d’événements qui avaient eu lieu pendant qu’il était lui-même exilé en Bourgogne, fit des questions sur tous les nobles qu’il avait connus, comme si cette époque eut été la plus heureuse de sa vie, et comme s’il eût conservé envers tous ceux qui avaient contribué à adoucir son exil les sentiments les plus affectueux et les plus reconnaissants.

« S’il s’était agi de l’ambassadeur d’une autre nation, dit-il, j’aurais mis quelque appareil dans sa réception ; mais à un ancien ami qui a partagé mes repas au château de Génappe, j’ai voulu me montrer tel que j’aime à être, le vieux Louis de Valois, aussi simple et aussi uni qu’aucun de ses badauds parisiens. Cependant, j’ai donné ordre que l’on nous fît faire meilleure chère à cause de vous, sire comte, car je connais votre proverbe bourguignon : Mieux vault bon repas que bel habit, et j’ai recommandé qu’il ne