Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/188

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rais renoncer aux avantages que semble nous présenter notre projet de marier la demoiselle à un ami de notre maison. — Votre Majesté, » dit Olivier après un moment de réflexion, « pourrait accorder sa main à un ami digne d’être investi de sa confiance, qui se chargerait de tout le blâme, et qui vous servirait en secret, tandis qu’en public vous pourriez le désavouer. — Et où trouverai-je un tel ami ? Si je venais à la donner à quelqu’un de nos nobles mutins et si difficiles à gouverner, ne serait-ce pas le rendre indépendant ? Et ma politique n’a-t-elle pas eu pour but, depuis bien des années, d’empêcher qu’ils ne le devinssent ?… Dunois, il est vrai… lui, oui, lui seul, serait peut-être digne de ma confiance ; il combattrait pour la couronne de France, dans quelque situation qu’il se trouvât placé. Mais les honneurs et les richesses changent le caractère des hommes… Je ne veux pas me fier même à Dunois. — Votre Majesté peut en trouver d’autres, » reprit Olivier avec un air plus doucereux et d’un ton plus insinuant que celui qu’il prenait d’ordinaire en conversant avec le roi, qui lui accordait beaucoup de liberté ; « vous pourriez trouver un homme dépendant entièrement de vos bonnes grâces et de votre faveur, et qui ne pourrait pas plus exister sans votre protection que privé de la douce influence de l’air ou du soleil… un homme de tête plutôt que d’exécution… un homme qui… — Un homme qui te ressemble, n’est-ce pas ? Non, Olivier ; sur ma foi ! cette flèche a été lancée un peu inconsidérément. Quoi ! parce que je veux bien t’accorder quelque confiance, et que par manière de récompense je te laisse de temps en temps tondre d’un peu près la tête de mes sujets, tu crois que cela te donne le droit d’aspirer à devenir l’époux de cette beauté merveilleuse, et un comte de première classe par-dessus le marché ? Toi ! toi, dis-je, d’une naissance basse, d’une éducation plus basse encore, dont toute la science n’est guère qu’une espèce d’astuce, et dont le courage est plus que douteux. — Votre Majesté m’accuse d’une présomption dont je ne suis point coupable. — Je suis charmé que tu t’en défendes ; et ce désaveu d’une pareille rêverie me donne meilleure opinion de ton jugement. Il me semble cependant que ton discours tendait singulièrement à faire vibrer cette corde… Mais, pour en revenir à mon affaire… je n’ose marier cette jeune beauté à aucun de mes sujets… je n’ose la renvoyer au duc de Bourgogne… je n’ose la faire passer ni en Angleterre ni en Allemagne, où il est probable qu’elle deviendrait la proie d’un homme qui serait plus porté à