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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/205

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tant, se tourna vers Durward. « Suis-moi, lui dit-il, mon brave Écossais ; suis-moi comme un homme choisi par le destin et par un monarque pour accomplir une aventure importante. Dispose tout de manière à pouvoir mettre le pied à l’étrier à l’instant même où la cloche de Saint-Martin sonnera minuit. Une minute plus tôt ou une minute plus tard, tu serais exposé à perdre l’aspect favorable des constellations qui sourient à ton entreprise. »

À ces mots, il sortit de l’appartement de Martivalle, suivi de son jeune garde. Ils ne furent pas plus tôt dehors, que l’astrologue se livra à des sentiments bien différents de ceux qui avaient paru l’animer pendant la visite du roi. « Le misérable avare ! » s’écria-t-il en pesant la bourse dans sa main ; car, ne sachant point borner ses dépenses, Galeotti avait presque toujours besoin d’argent ; « vil et sordide coglione[1] ! La femme d’un simple capitaine de chaloupe en donnerait davantage pour savoir si son mari fera une heureuse traversée. Lui ! acquérir quelque teinture des belles-lettres ! oui, quand le renard et le loup devenus musiciens cesseront de glapir et de hurler. Lui ! lire le glorieux blason du firmament ! oui, quand la taupe aura la vue perçante du lynx. Post tot promissa ! Après m’avoir fait tant de promesses pour m’engager à quitter la cour du magnifique Mathias, où le Hun et le Turc, le chrétien et l’infidèle, le czar de Moscovie et le kan de Tartarie eux-mêmes, me comblaient à l’envi de présents. Croit-il que je resterai dans ce vieux château, comme un bouvreuil en cage, prêt à chanter, aussitôt qu’il lui plaît, de siffler pour quelques graines et un peu d’eau ! Il se trompe grandement !… Aut inveniam viam, aut faciam : je découvrirai ou j’inventerai un expédient. Le cardinal de la Balue est aussi libéral que politique : cette question lui sera soumise, et ce sera la faute de son Éminence si les astres ne parlent pas selon ses désirs.

Il prit de nouveau le présent dédaigné et le pesa dans sa main. « Il est possible, dit-il, qu’il y ait quelque bijou ou quelque perle de prix cachée dans cette misérable bourse. J’ai ouï dire qu’il savait être libéral jusqu’à la profusion lorsque son caprice ou son intérêt y trouvent leur compte. »

Il vida la bourse, et n’y trouva ni plus ni moins que dix pièces d’or. Alors son indignation fut extrême. « Croit-il que pour ce vil salaire j’exercerai à son profit cette science céleste que j’ai étudiée avec l’abbé arménien d’Istrahoff, qui n’avait pas vu le soleil

  1. Sot, imbécile, expression italienne. a. m.